Chère maman,
Comment tu vas ? J’espère que tu vas bien. Pour ma part ça va, je vais bien maman.Alors ne t’inquiète pas pour moi d’accord. Donne-moi des nouvelles de chez nous. Comment ça va pour vous ? Mes petits cousins, Marco, Aniece, ils vont bien ? Et Tonton Claude, comment va-t-il ? Il va mieux ? Dans ta dernière lettre tu me disais qu’il allait se faire hospitalisé. Comment les choses ont évolué depuis ? Il y a des améliorations ? J’espère que oui. Ça me pèse vraiment de le savoir en si piteux état... S’il te plait, transmet a tatie Marisa mes plus sincères salutations et tout mon soutient. Dit lui que lui, tonton et mes cousins me manquent. Vous me manquez tous.

Chaque orteil que j’enfourche dans le sol est une pensée que j’écris du bout de mes ongles à votre égard. C’est un hommage àtous vos efforts, ma man et tonton Claude. Si j’en suis là dans la vie c’est grâceà vos sacrifices. Je vous dois beaucoup, et même beaucoup trop.

La grande traversée c’est pour demain maman. Nous ne sommes plus qu’à quelques jours de la terre promise des Etats Unis. Les Etats Unis d’Amérique maman ! On y est maman. Le temps est venu pour moi de prendre mon destin en main. Je te mentirais si je te disais que je n’ai pas un peu peur. Il y a des rumeurs qui courent. Comme quoi, les Etats Unis pourrait nous renvoyé là-bas en Haïti. Cette simple idée me terrifies…Siça venait à se produire, je serais totalement dévasté maman. On aurait fait tout ça pour rien maman ? Cette pensée me tourmente, à tel point que je ne trouve pas le sommeil. Et bizarrement maman, aussi étrange que cela puisse paraitre, t’écrire ces quelques mots me rassure.

Je me souviens de notre petite maison dans la plaine. Tu te rappelles a quelle point le soleil tapait fort là-bas ? Moi oui. Ma peau se rappelle de chaque morsure. Cette sensation est désormais gravée dans mon être. Elle fait partie de mon histoire. De mon cheminement dans la vie.
Tu te rappelles comment on galérait pour avoir de l’eau ? A chaque fois c’était un combat de titan juste pour acheminer la brouette chargée jusqu’à la maison. Horrible. C’était juste horrible. Tellement que j’en arrivais à prier pour qu’il pleut. Tu te rappelles de ce jour ou la brouette nous a lâchéà mi-chemin de la maison ? C’était cejour-là que le ciel m’a souri pour la première fois. Pourquoi ? Parce qu’il a plu. Un vrai déluge.

A l’heure où je t’écris, il pleut dehors comme il a plu ce jour de feu de la plaine de chez nous. Et je ne sais pas vraiment comment l’interpréter. Dois-je le voir comme un signe que demain ça se passera bien, ou dois-je me limiter à l’idée que je suis juste nostalgique à pas au milieu de la nuit ? Il y’a un peu des deux. Mais une chose est sure, tu me manques maman.

J’aurais vraiment aimé que tu sois avec moi. Ta force me serait d’un grand secours.
Tu vois maman, mon périple n’est définitivement pas un voyage sans retour, car, partout où je suis, je retrouve le chemin de chez nous maman. Il est gravé dans mon cœur, toujours il me ramènera toujours à toi maman. Partout où je mets les pieds, ton ombre me suit, et tes prières me porte chance maman. Tu es la seule chance que je n’aie jamais eu maman.

Tu t’es battu pour moi contre ton père, ta mère, tes frères et même mon batard de père. L’espoir t’a quitté comme une ombre fragile a pas d’heure la nuit. Mais tu n’as pas attendu l’aube pour te relever. D’une bougie, tu as fait une étoile, et avec, tu as forgé demain. Le tien comme le mien. La petite fille que ton père a jeter a ses seize ans est devenue une femme, une vraie. Tu as souffert, tu as saigné, et je sais que tout ce que tu m’as donné, jamais je ne pourrai te le rendre, mais malgré cela, tu me donnes encore et toujours plus que tu ne devrais.
Tu es une reine que la terre n’a pas béni maman. Tu es ma source d’inspiration, ma motivation et ma fierté. Tu es tout ce que j’ai, tout ce que j’ai jamais eu, et tout ce dont j’avais besoin.

Penser à toi, me fait avoir honte de moi tu sais. J’ai pas le droit d’avoir des doutes. Pas après avoir été témoin de ta vie, de tes défaites et tes victoires. Combien de fois as-tu lutté envers et contre tous ? Combien de fois tu as fait l’impossible ? Ça c’est qui tu es maman. Une faiseuse de miracle. Mon soldat de l’impossible.

Alors non. Pas de place pour le doute. Demain sera une victoire maman, pas la mienne, mais la tienne maman, dans toute ta grandeur.
Voilà ton rejeton maman. Le fruit de tes entrailles, de tes sueurs et de tes saignements. Demain, commence un nouveau chapitre de notre histoire maman. C’est le moment où moi, je vais prendre soin de toi. J’en ai rêvé toute ma vie, et c’est pas trop tôt. Il est l’heure d’honorer la reine que tu es.
Je t’aime maman. Merci de m’avoir réconforté malgré la distance.

Il est venu l’heure de récolter ce que tu as semé.
Quand tu liras cette lettre je serais surement déjà en train de préparer la voie pour toi. Alors attends-moi d’accord ! Bientôt, tu serreras à nouveau ton fils entre tes bras, et le monde saura enfin que tu n’as pas eu tort de m’avoir porté et supporté toute ma vie durant maman!

Je vais dormir. Il y’a une grande journée qui m’attend.

S’il te plait, passe le bonjour à mon oncle, ma tante et mes cousins. Et de grâce ne stresse pas pour demain. Tout se passera bien. De toute façon, la lettre arrivera en retard, alors ne t’inquiète pas maman. Dit bien à tout le monde que je les aime beaucoup. Toi encore plus.

Avec amour,
De la part de ton fils adoré Gerald

#Harly-Anders Jean
#A Tijuana, Mexique
#ChallengeUneLettreÀMaMère2022