Qui est Marc Arthur Talisman?

Qui est Marc Arthur Talisman?CP: Oriol Antoine

A l’écran, on nous présente souvent des binômes charmants qui incarnent le méchant et le gentil flic. Si les méthodes de ces deux larrons diffèrent, leurs objectifs ne divergent pas pour autant. Encore, si le gentil flic joue souvent la comédie pour berner le présumé fautif, Marc Arthur Talisman arbore, lui, véritablement ce coiffe de flic indulgent, prêt à tout pour éviter la bavure. Aujourd’hui très populaire dans la commune de Carrefour, Marc Arthur a débuté cette longue carrière dans le sport sous l’impulsion de celui qui, encore aujourd’hui, est souvent désigné comme le méchant flic. Son rêve d’intégrer l’Académie militaire n’ayant pas abouti, il se tourne alors vers les études.

"J’ai bouclé mes études classiques en 1999. Ensuite j’ai intégré une école technique où j’ai pu apprendre le dépannage ainsi que d’autres métiers mais je n’ai pas pu exercer avec toutes ces compétences. Alors le coach Anéas m’a proposé de le rejoindre pour entrainer des enfants. exercé d’autres métiers".

Si le coach Anéas l’a appelé, effectivement, ce n’est point par acquit de conscience, mais afin de lui donner l’opportunité de mettre ses compétences en exergue. Cinq années plus tôt, lors d’un camp d’été, il avait déjà eu cette opportunité et c’est à ce moment-là qu’il avait eu le déclic.

"Heureusement, un ami m’a choisi comme moniteur d’un camp d’été en 1994. Cela m’a permis de découvrir que j’aimais apprendre aux enfants à jouer au football. J’ai compris que pour enseigner aux enfants, il faut une bonne ambiance conviviale, mais sans trop s’écarter des principes. C’est ainsi que s’est développé cette compétence en moi et c’est devenu naturel".

Comme le vin qui se bonifie avec le temps, Marc Arthur n’a pas cessé de suivre diverses formations afin d’étoffer ses capacités. Lui qui assure voir en chacun un diamant, un être d’une valeur inestimable, il ne cesse de sublimer sa propre personne. Il ne fait pas qu’aider les autres avec le ballon, mais il les aide également à s’imprégner de confiance et à découvrir leur plein potentiel. Il incarne le courage, l’excellence et la résilience. Dans l’exercice de ses fonctions, il est amené à travailler avec des jeunes de sphères différentes. Cependant, il a une préférence. Il aime mieux entrainer les filles et il y a une raison spécifique à cela. "Oui, j’aime mieux coacher les filles car elles apprennent plus vite que les garçons. Mon expérience me l’a appris. Tous les bons éléments de la sélection haïtienne ont été jadis des bénéficiaires de mes séances d’entrainements, à l’instar de Nérilia Mondésir".

Le coach quadragénaire peut se targuer en effet d’avoir eu l’opportunité d’entrainer les plus illustres joueuses de notre génération. Un parcours qui n’a pas toujours été de tout repos, ni couronné que d’excellents résultats. Lors de ses expériences avec le Collège de Cote-Plage ou le Centre d’Etudes Lumière, il jonglait entre défaites et victoires. Une alternance qui lui a permis de voir, éternel optimiste, comment s’améliorer considérablement sur le fil. Autant qu’il se plait à valoriser les autres, il estime avoir été privilégié par les cadres de ces institutions.
"Dans ces institutions, j’avais vraiment l’impression que mon travail était valorisé. Entre défaites et victoires, je progressais et je donnais le meilleur de moi-même", raconte-t-il.
Là où certains seraient enclins à espérer plus que ce qu’ils ne seraient disposés à donner, il avait décidé de donner le meilleur de lui-même. Ce même état d’esprit lui a permis d’apprendre de ses défaites et surtout de ses adversaires. Pour Marc Arthur, le succès n’est pas une finalité, et la défaite n’est point une fatalité. C’est pourquoi chaque défaite représente pour lui l’occasion d’apprendre, de revoir ses stratégies et de peaufiner son style de jeu grâce à sa capacité à analyser les équipes adverses. Ces situations lui apprennent constamment quelque chose qui lui servira plus tard d’expérience pour mieux renforcer son intelligence tactique. Lors de son expérience avec le Collège du Séminaire Adventiste, il raconte avoir vécu une situation similaire.

"Lorsque j’ai été au Séminaire Adventiste, j’avais perdu deux buts à zéro contre le Juvénat Collège Sacré-Cœur au premier tour. Leur coach, M. Guy, m’avait dit cette phrase : le bagage intellectuel du vieux, c’est son intelligence. Cela m’a fait réfléchir puis je me suis mis à observer sa tactique. Lors du deuxième tour, j’avais écarté une autre école adventiste afin d’avancer en finale pour affronter à nouveau l’équipe de Juvénat. Puisque j’avais observé leur façon de jouer, je leur laissais le ballon et ainsi leur équipe avait du mal à sortir de sa moitié de terrain. C’est ainsi qu’on a pu gagner deux buts à zéro et à l’issue du match j’avais dit à M. Guy que j’avais appris de lui".

Le football est un sport de passion. Cela explique pourquoi on rencontre souvent des cas où l’égo et la concurrence peuvent prendre facilement le dessus. Mais ce qui fait la classe, l’élégance et la grandeur de certains dans le milieu, c’est l’humilité de ceux-ci à reconnaitre les capacités d’autrui et à apprendre de chaque adversaire. A l’image d’un Guardiola qui loue la grande sagesse footballistique de Marcelo Bielsa, Marc Arthur sait se comporter en parfait gentleman et louer l’intelligence d’un adversaire plutôt que de se laisser emporter par la déception que génère la défaite.

Il ne met pas ses qualités d’entraineur uniquement au service des enfants. Plus tard après avoir acquis de solides connaissances avec les enfants, il tente une expérience à l’UEH. Dans cette nouvelle aventure, il se retrouve face à des étudiants de la Faculté d’ethnologie. Il assure que ces derniers, dès son arrivée, se moquaient de sa physionomie. Kesnol Lamour, actuel chroniqueur sportif à la RTVC (Radiotélévision Caraïbes, ndlr) avait pris sa défense. Un défi parmi tant d’autres qui ne saurait ébranler sa résilience à toute épreuve. Dans un tel milieu, on n’a pas uniquement les défaites à craindre. Il faut s’armer de courage pour avancer malgré les hordes de détracteurs qui ne se lassent jamais d’éperonner à tout va. C’est ainsi qu’il parvient à aller jusqu’au bout d’un contrat de cinq ans avec la DIGICEL, alors que certains remettaient en cause son leadership.

Que pourrait-on reprocher à quelqu’un qui a glané autant de titres et qui aurait pu lui saper le moral ? Ses triomphes à l’étranger relèvent de l’exploit. Sa façon de raconter son parcours dans certains championnats internationaux indique clairement l’émotion qui anime l’homme, encore des années plus tard. Incontestablement, hormis l’excellence qui auréole ces exploits, on pourrait évoquer l’insolence qui les caractérise. Parvenir à réaliser de telles prouesses, parfois en sous-effectif et face à des équipes aguerries, les adversaires doivent encore se réveiller en plein milieu de la nuit, des sueurs froides dans le dos.

A présent, il observe la réalité sportive d’un œil critique. Il estime que le niveau du football est en chute libre mais concède que c’est grâce au football que certains jeunes n’ont pas vrillé. Evidemment, on ne peut pas sauver tout le monde. Certains doivent s’intéresser à autre chose dans la vie tandis que d’autres baissent simplement les bras. La plupart de ses anciens joueurs sont des cadres d’entreprises de la communauté, d’autres font carrière au sein de la police nationale (PNH) mais une minorité s’est laissée emporter par la spirale infernale. Il est probable que ces infortunés aient renforcé les rangs des gangs armés qui pullulent dans le pays.

Quoiqu’il garde une certaine distance avec le championnat national, il évoque fièrement le nom de certains joueurs qui y évoluent. La plupart de ses anciens protégés évoluent actuellement à l’étranger. La pépite haïtienne, Melchie Durmonay, recrutée par l’Olympique Lyonnais ou le natif de Carrefour, Mondy Prunier, qui évolue avec le FC Versailles, sont deux des plus beaux ornements de sa carrière.
Coach à succès, véritable icône dans son domaine, Marc Arthur a eu la chance de pouvoir concilier parfaitement famille et travail. Sa femme assiste même aux séances d’entrainement qu’il dirige. Il a trois filles qui jouent au football et un garçon, ancien footballeur, qui étudie aux Etats-Unis. Une aubaine pour le passionné du ballon rond qui n’a donc pas à jongler avec ces deux centres d’intérêts qui requièrent énormément d’attention.

Convaincu que le pays n’est pas inéluctablement voué à l’échec, il encourage les jeunes à prendre leurs études au sérieux et à vivre de leur passion. Au-delà de l’héritage que le coach Marc Arthur s’apprête à léguer à la postérité, il représente, à lui seul, un véritable patrimoine que tout le pays devrait découvrir et admirer. D’ailleurs, il n’y a aucun doute à faire valoir sur son engagement à tenir la dragée haute à la médiocrité, pour le plus grand bonheur de la communauté et pour l’avenir du football haïtien.

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Jean Rony Charles 10

Jean Rony Charles est passionné de lecture et d'écriture. Il est l'auteur de "Pitié", une nouvelle parue chez les Editions Repérages.

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