Un dieu ne peut pas mourir

Un dieu ne peut pas mourir

La disparition brutale de Diego Armando Maradona à soixante ans m’a sidéré. J’étais à mille lieux de penser que lui, El Diez, pouvait mourir. Quand on est Maradona peut-on mourir?

L’adolescent de treize ans assistant, la peur au ventre, à la rencontre Argentine-Angleterre un après-midi de juin de l’année 1986, aux côtés de ses deux jeunes frères dont un communiant, a pu apprécier, admirer, s’extasier devant le talent hors du commun de son idole. En effet, en deux gestes, le natif de Fiorito, a montré au monde ses deux visages: ange et démon ou son vrai visage : mi-ange, mi-démon. En s’aidant de son poing rageur, il marque de la main, l’un des buts les plus controversé de l’histoire du foot, et puis, en inscrit un second, le plus beau de l’histoire de la phase finale de la coupe du monde, en mystifiant la moitié de l’équipe anglaise.

Diego, n’est pas seulement footballeur de génie. C’est un homme d’exception. Il a grandi dans un environnement difficile, privé du strict minimum pour vivre au milieu d’une famille nombreuse dans un pays au bord de la faillite. En l’espace d’une rencontre, à l’âge de seize ans, il fait ses adieux à la misère. Son club formateur, Argentinos Junior, perd le match 1-0. Mais le public ne parle que de lui. L’Argentine vient de lier connaissance avec son fils le plus digne. Grâce à son talent incomparable et son acharnement au travail, El Pibe de Oro s’installe sur le toit du monde sans renier pour autant ses origines modestes. Il symbolise à la fois une certaine Argentine marginalisée et tous les laissés pour compte de l’humanité. De Naples à Bogota, en passant par Rio, La Havane, la Paz, Port-au-Prince, Moscou, Barcelone... des hommes et femmes pleurent ce frère disparu trop tôt.

Il est mort des suites d’une vie dissolue, faite d’excès. Il représente le rêve que tous les parias sont, eux aussi, des hommes à part entière. Diego c’est beaucoup plus que le foot.

Comment oublier ses gestes dont lui seul avait, bien avant Dinho, Ococha et Messi, le secret. Le ballon colle à ses chaussures. Les années passent, la magie demeure. Heureux comme un gamin qu’il demeurera toute sa vie, au milieu des jeunes argentins dont il devient le coach en 2010, avec une déconcertante facilité. Tout y passe: balle de tennis, balle de golf ou un morceau d’aluminium transformé en ballon quand ce n’est pas un caillou lancé par un spectateur furieux.

Un dimanche matin, dans une rencontre du Calcio, opposant le Napoli à une autre équipe, il s’avance au milieu du terrain, un peu avant le coup d’envoi, il frappe le ballon du talon gauche et le soulève de l’intérieur du pied droit. Comment oublier, toujours au milieu terrain, pendant l’échauffement, ses nombreux gestes de prestidigitateur; il place le ballon entre ses deux pieds, fléchit les genoux tout en écartant les pieds et propulse dans les airs en le touchant simultanément avec l’intérieur de ses deux pieds. Des gestes à la pelle d’un autre temps, pour un joueur, que dis-je, un homme hors du temps.

Diego savait jongler aussi bien avec le ballon que la politique. Homme de convictions, il adulait Castro et le Che. Le leader Maximo s’était lié d’amitié avec lui. Les présidents Evo Morales et Hugo Chavez prenaient le temps de discuter avec lui aussi. L’invitant même dans leurs palais.

Le Che du football est parti. Pourtant, il restera toujours vivant dans la mémoire de plus d’un. Un dieu ne meurt pas. Un dieu ne peut pas mourir. El Diego de la Gente vivra toujours en moi. Les chants des fans de Boca Juniors continueront à percer le silence et ne cesseront de résonner encore et toujours dans les cœurs et dans les têtes :

Chère mère sais-tu
Pourquoi mon cœur
Bat si fort ?
J’ai vu jouer Maradona
J’ai vu jouer Maradona





Franck S. Vanéus, av.
25 novembre 2020.

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La Rédaction 237

Kafounews

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