On ne change pas une formule qui gagne. Cet aphorisme qui est en fait une paraphrase empruntée au jargon du football ( on ne change pas une équipe qui gagne), traduit bien le retour en fanfare à la présidence de l’ancien magnat de l’immobilier américain Donald J. Trump. En effet, le New Yorkais a remporté l’élection présidentielle avec la manière, défiant au passage les prédictions des experts les plus avisés. Le citoyen ordinaire porte le candidat républicain à bout de bras à la Maison Blanche. Un véritable raz-de-marée électorale. Le plébiscite du candidat républicain à la présidence symbolise-t-il un désaveu de la politique américaine? Faut-il considérer que la démocratie américaine se porte bien pour autant? Doit-on de préférence y déceler les limites des procédés non-démocratiques?
On fait souvent référence à la démocratie en invoquant le régime politique américain, axé sur la stabilité des institutions. Dans ce régime présidentiel bicentenaire, le chef de l’État malgré ses nombreuses prérogatives, voit souvent ses projets endigués en l’absence d’un majorité au Congrès. La recherche d’un compromis est souvent la solution idoine pour obtenir un vote sur une question d’intérêt général. La discipline de parti est de rigueur. Le système électoral y semble fonctionner selon les normes établies. Les représentants du peuple se succèdent à Washington au rythme des élections. Le renouvellement périodique de l’appareil politique suffit aux thuriféraires de la démocratie pour soutenir que les institutions se portent bien. Ainsi, la démocratie suppose un système électoral en parfait état de fonctionnement. Les citoyens se contentant de voter dans les formes prévues par les autorités constituées. Les questions portant sur la qualité du vivre-ensemble sont reléguées au second plan. Le peuple choisit en fonction des choix qu’on lui impose. Les politiques changent mais le rapport à la politique demeure le même pour le citoyen ordinaire. Ce dernier, apathique, se détourne même de la politique.
Le retour du sauveur
La force d’un discours
Le retour fracassant sur le devant de la scène de Donald Trump après sa longue descente aux enfers, faisant face à des procédures judiciaires en tous genres( dossiers civils et criminels), témoigne à la fois de la pugnacité du milliardaire et du soutien inconditionnel de l’Amérique profonde. Sa victoire écrasante résulte avant tout de son leadership. En effet, il apparaît comme le messie aux yeux de l’américain ordinaire auquel il expose son projet de redonner à l’Amérique-sa grandeur- la place qui est la sienne dans le concert des nations. C’est aussi le fruit d’un discours ou le citoyen lambda redécouvre qu’il compte, sa voix est entendue. Chaque mot prononcé par Monsieur Trump est choisi minutieusement pour attiser sa base au grand dam de ses détracteurs. Ses propos parfois orduriers, révulsent les pudiques de la politique. Son parler crû plaît et touche en plein cœur sa cible : les gens modestes. En réponse, les électeurs ont investi les urnes et plébiscité leur candidat. Tout à coup, le peuple américain semble se réconcilier avec la politique. Il s’identifie à son président. Un peuple a le prince qu’il mérite et vice versa, dirait Machiavel.
La défaite de l’improvisation
En politique il n’existe qu’une vérité absolue: tout est relatif. Cela dit, la course à la présidence d’un pays requiert une planification minutieuse. Le parti démocrate à cet effet est apparu à court d’idées. La barque était privée de capitaine. Elle a sombré corps et biens. Les primaires constituant le moyen d’obtenir l’adhésion des bases du parti ont été contournés, tactiquement, à la dernière minute, pour faciliter la candidature de la vice-présidente, Kamala Harris. Elle a démontré tout son savoir-faire dans l’art de la rhétorique acquis durant ses années de prétoire. Pour autant, son message fondé sur le rejet frontal du discours du candidat républicain n’a pas eu le mordant nécessaire pour attirer les indécis sinon déstabiliser l’adversaire. in fine, le peuple américain a été sévère dans sa sentence. Les suffrages exprimés à New York témoignent du manque d’engouement des citoyens pour la candidate démocrate. Pire, sur le plan national, Donald Trump a remporté le vote populaire. Un camouflet pour les démocrates. Le parti ne s’est pas levé comme un seul homme pour soutenir sa candidate. La marée bleue a été contenue par la muraille rouge. Les États traditionnellement démocrates n’ont pas pu résister au message : « Make America great again ».
La participation effective du peuple
L’accession au pouvoir pour un second mandat de Donald Trump soulève un ensemble d’interrogations auxquelles il faudra trouver des réponses durant sa présidence. Les ondes de choc de cette victoire ne seront connues que dans quelques années. Pour l’heure Donald J. Trump est-il le président du peuple américain? Peut-il redynamiser la politique en rendant le pouvoir au peuple? Il ne fait aucun doute que les citoyens américains ordinaires ont voté massivement afin de propulser leur candidat à la Maison Blanche. Il est aussi évident qu’il ne pourra pas tenir toutes les promesses de campagne. Mais, les gens modestes s’identifient à son discours simple presque simpliste même. Ses tournures de phrases dignes d’un enfant au cours primaire n’arrêtent pas de soulever les foules. Ébouriffant ! Le parti républicain dans son sillage a reconquis le Sénat et peut prétendre diriger la Chambre des Représentants. Maga est un mouvement surprenant. L’habitude commence la première fois. L’Amérique n’est sans doute pas redevenue grande ce matin, mais dans le cœur de beaucoup d’américains un champion part au combat pour eux. Et, il est un des leurs, surtout dans ses excès. Il n’est pas un politique professionnel.
Nul ne sait dans quel sens Trump va orienter les changements dans les institutions américaines. Des changements il y en aura. Néanmoins, il est peut-être venu le temps d’insuffler du neuf dans le fonctionnement desdites institutions. Et s’il décide de redonner le pouvoir au peuple comme le prescrit la définition classique de la démocratie, le monde entier pourrait suivre le courant. De toute façon, une courbe est tracée. Nul ne sait ce qui va poindre à l’horizon. Les procédés non-démocratiques de désignation de la candidate démocrate révèle que même dans les grands pays, le pouvoir peut être sinon confisqué par une minorité, à tout le moins détourné à son profit. Le système électoral se porte bien. La société attend des miracles, de son sauveur.
Franck S. Vanéus 44
Avocat et Philosophe...
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