Entretien -/- Ricot Marc Sony, La lecture est un acte libertaire

Entretien -/- Ricot Marc Sony, La lecture est un acte libertaire

Nous avons eu la chance de rencontrer Ricot Marc Sony qui, en plus d'être le représentant permanent de l' African Observatory of Professional Publishers(OAPE) en Haïti, est aussi co-fondateur du Club Littéraire Kettly Mars (CLKM) . Vivez cette rencontre qui nous a permis d'avoir un entretien parfumé de littérature avec lui.

⚫KN: Vous êtes le Représentant permanent de l'OAPE en Haïti, une structure qui s'intéresse exclusivement à la question du livre et de l'édition, comment voyez-vous la relation livre-lecture dans le pays ?


⚫RMS: Oui, tout à fait. Je suis depuis plus dˈun an au poste de Représentant permanent de lˈObservatoire Africain des Professionnels de lˈÉdition (OAPE). Lˈorganisation est présente dans une quinzaine de pays en Afrique et ici en Haïti. Concernant notre pays justement, je pense que la relation livre-lecture est appréciable. Dans les rues, dans les écoles, dans lˈitinéraire des villes de province où je suis allé, jˈai vu les gens parler de la littérature et des livres avec enthousiasme. Cependant, la question du prix et de l'accessibilité demeurent un vrai dilemme pour les lecteurs haïtiens particulièrement les jeunes. Ainsi, la majorité de nos écrivains se font publier à lˈhexagone. Ces livres-là sont parfois réédités en Haïti pour être accessibles à un prix plus abordable. Aussi, dans notre pays, nous avons plusieurs bibliothèques, et centres culturels qui sont fréquentés en moyenne par une centaine de lecteurs par jour. Cˈest le cas par exemple de la bibliothèque Monique Calixte, du centre culturel Catherine Dhuname à Martissant, de la bibliothèque Michel Tardieu de Pétion ville, du centre culturel Anne Marie Morisset, de la bibliothèque Nationale, sans compter les CLAC et la Bibliothèque Georges Castera du Limbé, Le centre culturel Numa Drouin à Jérémie, le centre culturel Amarante aux Gonaïves. Il y a une bibliothèque dans quasiment chaque grande ville du pays. Il est vrai quˈon peut faire encore mieux. Mais la passion pourrait davantage guider les lecteurs à aller à la rencontre des livres. Nous avons également plusieurs librairies : cˈest le cas des Librairies du soleil ou la librairie sociale Solidaires Haïti, qui vend les livres à bas coût mais principalement à Port-au-Prince. Dans les villes de province, les librairies se font rares. Ici, à Port-au-Prince, cˈest différent. Cette ville aime énormément les livres. Jˈai vu par exemple des livres exposés sur les trottoirs dans les rues Daniel Pennac, Andreï Makine, Paul Auster, Jean-Christophe Rufin, Marc Bernard, Hervé Guibert, Michel Morht et sans oublier les livres des auteurs de chez nous. Jˈen profite pour saluer les travaux de C3 éditions, des éditions de la Rosée, des Éditions Floraison, des éditions Kopivit l'action sociale, REK, Les Ateliers Jeudi Soir… Ces maisons dˈédition sont en train de faire un travail très remarquable pour la promotion de la lecture et du livre.


⚫KN: Quel est votre lecture sur le marché du livre dans le pays ?


⚫RMS: Je dirais que cˈest un marché souvent à la peine, les lecteurs reviennent souvent sur la hausse des prix du livre pendant les foires, salons et autres expositions. Imaginez-vous quˈun livre puisse dépasser le salaire minimum ! Cˈest ce qui peut me pousser à penser que fonder une maison dˈédition ici dans le pays, en ce moment est un acte de courage et de bravoure. LˈÉtat haïtien à travers le ministère de la Culture ne finance aucune maison dˈédition. Au niveau du livre scolaire il y a plus de livres reprographiés (donc piratés) sur le marché que lˈoriginal. La question du droit dˈauteur est à la traine. Nous invitons la BHDA (Bureau Haïtien du droit dˈauteur) à continuer les différentes poursuites légales. Plusieurs maisons dˈédition sont menacées par la faillite au vu de lˈactuelle crise conjoncturelle qui secoue notre pays. Je connais une grande entreprise dˈédition qui a été obligé de renvoyer la moitié de son personnel. Cˈest très sérieux!


⚫KN: Pourquoi faut-il lire d'après vous ?


⚫RMS: Pour ma part, il faut lire pour rien. Et avec ce rien, nous arriverons au sommet de notre pensée. Il faut lire pour penser lˈautre. Lˈautre a une grande sensibilité humaine. Et on peut tout comprendre par la sensibilité. On peut lire pour diverses causes mais nˈoublions pas que la lecture est un acte libertaire. Ce serait une restriction si on lui trouvait une raison.


⚫KN: Quels sont vos auteurs préférés ?

⚫RMS: Je suis un passionné de la lecture, ce qui fait que chaque lecture est pour moi une grande découverte. Ainsi mes plus grandes découvertes passent par John Steinbeck, Marcel Proust, Kettly Mars, Marie-Célie Agnant, Lyonel Trouillot, Louis Aragon, Georges Castera, Wilkens Scott Fifi, Bonel Auguste, Inema Jeudi, Jessica Nazaire, Jacques Stephen Alexis, Jacques Roumain, Leonora Miano, Adlyne Bonhomme, Evains Weche, Louis Ebene, Darly Renois, Anthony Phelps, Sony Labou Tansi, Alain Mabanckou. Milan Kundera.

⚫KN: D'après vous, quels sont les romans haïtiens qu'il faut lire à tout prix ?

⚫RMS: Je ne sais pas si jˈai suffisamment lu pour recommander des livres à lire absolumment. La littérature haïtienne est tellement immense, cette littérature de révolte donne de grandes vagues dˈauteurs chaque décennie. De mon expérience personnelle, il faudrait commencer par lire Compère General Soleil et Gouverneurs de la rosée, deux classiques dans la littérature haïtienne. Je relis constamment Gouverneur de la rosée afin de tisser des liens entre moi, le Konbitisme et lˈhumain. Cˈest toujours avec enthousiasme et une velléité littéraire que je l'ai toujours relu. Pour moi, ce livre nˈest pas fini. Ces relectures me donnent souvent l'impression quˈil y des pages nouvelles ou une chose que je nˈavais pas saisie. À chaque lecture, jˈai lˈimpression que lˈauteur rallonge un peu plus. Et il y a la silhouette de Manuel qui me guette à chaque phrase lue. Quant à Compère Général Soleil, cˈest un ami qui me lˈa fait découvrir. Je suis tombé sur le livre dans sa bibliothèque un dimanche par hasard. Je lˈai emprunté sous le coup parce que le nom me disait quelque chose. Je l'ai lu et relu. Pour moi, cˈest lˈun des plus grands romans du XXe siècle. Toutefois, pour les contemporains, je conseillerais La Belle Amour Humaine de Lyonel Trouillot, Lˈange du Patriarche de Kettly Mars, Femmes au temps des carnassiers de Marie-Célie Agnant, Guillaume et Nathalie de Yanick Lahens, Les dieux voyagent la Nuit de Louis-Philippe Dalembert, et enfin, Hadriana dans tous mes rêves de René Depestre.

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Blondy Wolf Leblanc (Gabynho) 100

Mémorand en psychologie à la Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti (FASCH-UEH), Gabynho est un acteur culturel très influent à Carrefour où il initie et coordonne "Festival Liv Kafou", "Semèn Jèn Ekriven Kafou" et "Week-end Poétique".

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3 Commentaires

  • Germithe pierre

    December 12, 2019 - 05:56:47 PM

    Felicitation ricot marc sony

  • Routianie

    December 13, 2019 - 12:34:08 PM

    Félicitations Ricot Marc Sony. Tu as tout dit pour nous les jeunes. Du courage sur le chemin bon succès

  • Moïsena Vertus

    May 02, 2020 - 11:05:02 PM

    Je suis contente que vous me fassiez découvrir certains mots de Ricot Marc Sony.J'apprécie les interventions et je vous félicite pour votre travail.