1er juin 2021, trois groupes armés rivaux entament une guerre sanglante à la troisième circonscription de Port-au-Prince, Martissant. On y a dénombré des centaines de morts et de blessés. Au même moment, plus de dix-sept mille cent cinq (17 105) personnes ont été contraintes de fuir sous les balles des assassins, selon les données publiées par l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM), le 29 juin 2021. Sinistre tableau anonyme et dont les auteurs sont pourtant connus de tous.
La terreur cheminant allègrement, le 1er novembre 2023, l’escadron de la mort s’est arrêté à l’entrée sud de Port-au-Prince, à Mariani. La population, sans secours est chassée violemment de son quartier. Les riverains abandonnent leurs maisons, dans la plupart des cas, l’ouvrage de toute une vie ponctuée de manque en tous genres s'envole l'espace d'un cillement. Plus de deux mille quatre cent quatre-vingt-sept (2487) personnes, dont Michel, ont dû fuir leurs propriétés.
Un (1) an après, Michel, sa femme et son petit garçon vivent chez un ami de la famille. « Un bon ami à moi, un bon samaritain nous a reçus chez lui avec amour et hospitalité », dit-il.
Michel a mis du temps avant d’accepter que son séjour hors de sa maison s’inscrivait dans la durée. « Je me suis dit que l’on va trouver rapidement un moyen de faire reculer les bandits et nous retournerions tout suite chez-nous », se remémore-t-il.
Le ténor d’une chorale très réputée de la commune de Carrefour se remet en mémoire avec tristesse ses deux premières semaines en tant que déplacé forcé (PDI). Il se refuse à croire qu’il vient de tout perdre, des années de dur labeur mis à plat en un laps de temps. Il croyait même qu’il allait perdre la raison.
"Les deux premières semaines étaient infernales. Une virgule me séparait d’un Accident Vasculaire Cérébral( AVC). J’étais très inquiet pour ma santé mentale : "Perdre tout ce qu’on possède en un rien de temps… C’est dur, très très dur à avaler !", pleure-t-il.
De tels événements laissent forcément des traces. Les victimes en souffrent. Le mariage de Michel en a souffert. "Pendant une bonne période j'étais devenu impuissant. J'avais très peur que cela ne sois pas définitif", dit-il dans un éclat de rire.
Michel, cet homme serein parlant d’une voix assurée que j’ai interviewé pour ce papier, me fit savoir qu'en tant que chrétien, il croit que Dieu l'aidera à reconstruire sa vie. "Tant qu'il y a la vie, l'on doit continuer à espérer", prêche-t-il avant d'ajouter: "c'est avec ma force de travail que j'ai effectué tout ce que j'avais réalisé. J'ai encore de la force. Je peux encore travailler".
L'ingénieur fait l'éloge de l’amitié, de la solidarité. S'il parvient à tenir debout c'est grâce à cet ami qui l'a hebergé et les autres proches qui se sont montrés solidaires au moment opportun, nous dit-il rejetant d'un revers de main l'idée faisant croire qu'il n y a plus de "Moun" dans le pays.
Un (1) an après les attaques contre la population de Mariani, rien n’a changé. Malgré les promesses du premier ministre de reprendre le contrôle du pays "kay pa kay, katye pa katye", les bandits continuent sans crainte et avec la complaisance des autorités à semer la pagaille dans le pays. Les données de l'Organisation des Nations Unis (ONU) publiées de 2 octobre 2024 en témoignent: 700.000 PDI (dont la moitié sont des enfants).
*Michel est un prénom d'emprunt.
Mariani, 1 an après, Michel et sa famille vivent chez un ami
Blondy Wolf Leblanc (Gabynho) 102
Mémorand en psychologie à la Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti (FASCH-UEH), Gabynho est un acteur culturel très influent à Carrefour où il initie et coordonne "Festival Liv Kafou", "Semèn Jèn Ekriven Kafou" et "Week-end Poétique".
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