Je suis le genre de fils qui t’obéit même dans ton dos; je le dis comme ça puisque chaque nuit qui fait preuve d’hospitalité envers ton absence préméditée et féconde me rapproche de tes conseils dictés de loin. On habite sous le même toit, et pourtant, pour des raisons intimement professionnelles, il arrive qu’on ne se croise que rarement à la maison. À défaut de ne pas pouvoir te parler en face, je t'invite volontiers à prendre part au moment opportun à cette balade narrative si singulière maman.
Tu es, à mon sens, le genre de maman-papa. Celle qui s’engage toute seule, en dépit des difficultés, à frayer un chemin viable pour le bien-être de son fils. Malgré tout, il nous est difficile de se voir et passer du temps ensemble. En dépit des manques en termes d’affections maternelles, ma triste vie est ponctuée d’un bonheur estropié, en raison de ton sens inouï de responsabilité. Je me demande, parfois aussi, sous l’impulsion d’une inquiétude ponctuelle et démesurée, si, un jour je n’arriverais pas à oublier ton reflet; ton odeur;ton demi-sourire, se révélant quelques fois incompatible à ton visage vachement cicatrisé. Mais au moins, je sais de quoi en a l’air ton visage maman. Je sais aussi, avec le peu de mots voguant sur mes lèvres comment tirer des conclusions lucides et appropriées pour ton absence.
Par contre, en ce qui concerne le visage de mon père, je n’en ai pas la moindre idée! Ce qui est à la fois triste et étonnant c’est que toi-même tu es incapable de dire le nom ni décrire de façon convaincante, ce bourreau-père qui t’as violemment enceinté. Je regrette d’avoir été pour toi ce petit être de honte et de remords durant ces neufs périples mois. Je suis le fruit d’un acte sexuel anti-Amour, anti-Femme. Ce jour-là, tes désirs, ta satisfaction sexuelle, ton droit de disposer ton corps au partenaire souhaité n’étaient pas au rendez-vous. Ici, à ce qu’on dit, la nuit sert de fusils aux petites gens pour chasser nos marabouts aux corps invincibles, pour lesquelles les calendriers des années à venir restent bras ouverts. Chaque nuit constitue d’emblée une frontière invisible pour restreindre la liberté de circuler de chacune de nos femmes et filles.
Dans tes pensées instables, tu me voyais, comme étant la preuve vivante d'un pacte signé avec le diable. J’ai failli rester à jamais dans ton passé maman. Je ne serais pas aujourd’hui ton fils bien-aimé, ton mal-nécessaire.
Je n’ose même pas imaginer de quoi il a l’air, mon voyou-père, sinon je serais gravement honte de mon miroir-ami. Encore moins, Je n’ose même pas à prononcer son nom. A l’instar du poète James Noel j’ignore complètement le nom qui l’appelle. Si je me mettais à imaginer sa tronche, je ne resterais pas une personne normale. J’en ai bien conscience, du point de vue biologique qu' on hérite toujours certains des traits caractéristiques de son père. Mais moi, je refuse qu’on me parle de l’hérédité dans mon cas ! Je refuse d’avoir l’air d’un violeur, d’un lâche ! Je ne veux ressembler à ce type dangereux; prophète des malheurs, assermenté pour œuvrer à l’évaporation des valeurs liées à la dignité des femmes; l’envoyé spécial du diable, qui prend la forme d’un humain sans scrupule pour réduire à néant toutes les valeurs intrinsèques à l’espèce humaine. De toute façon maman, j’en ai assez de me parler d’un type qui n’existe pas pour nous. D’un type, s’il vit encore, on ignore complètement son identité.
Maman, je te prie de me pardonner! Je me bagarre souvent à l’école et dans le quartier. Etant donné que la plupart du temps tu n’es pas présente pour me tenir compagnie, je t’écris pour te raconter tout. Je sais que tu m'aimes, je sais aussi tu fais remuer l'impossible de sa tanière quotidiennement pour pouvoir prendre soin de moi, jusqu’à cet âge. Sur ce point, je n'ai pas vraiment de quoi à te reprocher. Mais , j'en veux plus maman !
Sois tu quittes le travail tu fais, sois je quitte l’école et le quartier pour disparaitre à jamais dans ta vie ! Je ne suis pas le genre de fils, insoucieux et exigeant, je ne veux surtout te faire .
J'en ai vraiment marre de vivre cette vie!
Le quartier c’est pour moi un enfer, je n'y puis vivre comme un enfant normal. Même une seconde je ne puis pas passer sans être ridiculisé, par quelqu’un. Tout le monde me traite, à longueur de journée, de fils-de-pute. Pas par ce que je fais une quelconque connerie, mais par ce que vraiment tu es une pute. Tu es une femme-Trottoir, celle à qui Port-au-Prince moucharde ses erreurs nocturnes. Tu es une prostituée !
Je ne puis passer une journée sans pouvoir être harcelé par un client-voisin qui raconte comment tu es bonne au lit, comment tu fais corps à ta chambre obscène. Je me souviens de ce mercredi soir, alors que je venais à peine de me coucher au lit, tel un chien qui reste blotti dans sa niche, un type d'une apparence sordide a frappé à la porte. Oui! Il a frappé à ta porte maman, et ceci, avec insolence . Il était complètement ivre. Je ne pouvais capter que quelques mots naufragés venant de sa bouche édentée et d'une odeur métiphique : "est-ce que ta maman le fait aussi à domicile , comme ça je m’éviterais de prendre le taxi pour aller dans son dans son univers de sexe payant?" M'a t-il demandé avec un rire sacarstique. Malgré tu fais tout pour payer les frais si exorbitants de mon école, je n’arrive jamais à avoir de bonnes notes , indirectement c’est à cause de toi maman ! Ton histoire,ta vie ton métier tout ça agitent incessamment mes pensées d'une ardeur exubérante. Je ne puis imaginer ce corps autrefois appelé chez-moi puisse devenir le temple du fardeau rénal de Port-au-Prince. Ce corps de mon corps, sa valeur est conditionnée par la bonne mine de l’horloge du soir.
Je déteste de ne pas pouvoir parler avec fierté ce que fait maman pour survivre. Malheureusement je n’ai pas la chance d’avoir une maman infirmière comme mon ami Jaques, je n’ai pas aussi ce luxe d’avoir une maman avocate comme ma très chère amie Déborah. Je serais sans conteste, un enfant normal, au regard pointilleux et hypocrite de cette société en chute libre, à la conscience pétrifiée, si seulement je pouvais avoir une maman Madan-sara comme celle de mon ami John.
Je n’ose pas te juger maman, mais je sais que ton métier n’est pas socialement valorisé, comme bien d’autres. Je ne sais même pas si c’est un métier! je sais seulement tu gagnes ta vie avec. À l’école on te considère comme une maman sans dignité, une maman délinquante, une maman sans respect pour la société et pour le nom de sa famille.
Si je me suis fait expulser de l’école hier, c’est par ce que mon camarade Alex, de 17 ans, raconte à tout le monde comment il t’a baisé pour de l’argent.
Je refuse cette vie maman !
Je refuse d’être appelé fils de pute !
Auteur: Jameson MARCELIN
Lettre d'un fils de pute
La Rédaction 241
Kafounews
46 Commentaires
Insoumis
January 05, 2024 - 12:36:45 AMBon travail et bonne continuation bro!
JOSEPH Wilbert
January 05, 2024 - 02:05:45 AMToute mes félicitations
Elmano Endara JOSEPH
January 05, 2024 - 05:05:26 AMTu aurais pu faire mieux que Makenzy Orcel, il te manque seulement à vider de l'huile dans cet encre et le mettre sur papier de l'immortalité. Pour dire que ta plume épouse les aventures d'un grand littérateur qui glace dans son lit de punaises. Fonce donc cher ami! Ne t'embête pas. Les hommes comme Trouilot, Clang, Gary Victor, entre autres icônes te serreront fort dans leurs bras. Bonne continuation grand homme !
Abdias LOUIS
January 05, 2024 - 05:27:41 AMTrès beau texte, frère. Sacrée plume...
Matenal Chery
January 05, 2024 - 05:48:25 AMToutes mes félicitations mon frère, le Pays à besoin de vous. Je vous souhaite du succès. Que cette année soit pour toi une année foule de protection et d'intelligence.
Dorismar
January 05, 2024 - 07:09:54 AMTrès beau texte frero. Congratulations
Laguerre
January 05, 2024 - 08:21:44 AMC'est un texte très envoûtant ???? Toutes mes félicitations
Raymond
January 05, 2024 - 08:32:52 AMFélicitations pour ce beau texte, j'ai aimé
Jhimy Jean
January 05, 2024 - 08:37:26 AMC'est frustrant pour un garçon d'avoir une manman pute mais on ne juge pas une mère pute qui prend soin de ses enfants
Wilson
January 05, 2024 - 08:50:52 AMUne lettre de résistance, d'indignation et de révolte où la triste et sordide réalité que connaît les mères de famille qui décident (ou plutôt sont obligées) de se livrer pour prendre soin de leur progéniture mais aussi les conséquences socialement négatives subies par les enfants de ces femmes sont mises en vues. Bonne continuation frère ! ????
Peter
January 05, 2024 - 08:53:13 AMWaww un très beau texte ! Ssi tu savais combien de sentiments as tu touché avec tes mots. En tout cas bravo à toi mon ami frère félicitations ! Kenbe la boujwa !
Farah Favo
January 05, 2024 - 09:04:22 AMwaouh,ton texte est vraiment incroyable, jai été complètement captivée du début a la fin.
Gorbatchev LAFORTUNE
January 05, 2024 - 09:05:03 AMBonne initiation camarade, l’univers littéraire t’attend!
Jean Denis
January 05, 2024 - 09:08:32 AMBel kout plim. M tap swete teks sa ekri an Kreyol tou.
Roody Leger
January 05, 2024 - 11:33:01 AMTrès bon texte Marcelin!????
Emmanuel PACORME
January 05, 2024 - 11:34:50 AMC'est bouleversant!
Shood-keller ADRIEN
January 05, 2024 - 11:47:30 AMTrès beaux textes. Toutes mes félicitations
Wiz-ee
January 05, 2024 - 12:04:06 PMSuper! C'est captivant et original.
Cherlande
January 05, 2024 - 12:34:09 PMCongratulations brother The text is full of emotions Keep on moving and push yourself to be better
Baker A.
January 05, 2024 - 01:36:22 PMTrès beau texte. Au delà de la dimension littéraire du texte qui est vraiment riche, parce qu'il embrasse avec finesse un sujet de taille et permet le déroulement d'un récit cohérent avec des verbes captivants et alléchants, ce texte, selon moi, est un prétexte aussi pour l'auteur de mettre en exergue une préoccupation que je trouve originale : comment, compte tenu d'une non valorisation sociale de la prostitution, vivent la condition de prostituée les proches des prostituées ? Aujourd'hui, c'est le fils. J'espère que l'auteur continuera à creuser, mobilisera d'autres matériaux théoriques pour mieux cerner une telle préoccupation.
Bertrand
January 05, 2024 - 01:45:15 PMTèks la bèl anpil broh. M felisitew????
Jean Paul Fils Dort
January 05, 2024 - 02:17:56 PMJe tiens à vous féliciter pour ce beau Texte inspiré de la réalité de quelques-uns des enfants du monde entier en particulier ceux D'Haïti ,vivant une vie rongée par le métier que pratique leurs mères (prostitution) . Je trouve que vous êtes très sévère au sujet de votre père inconnu, car votre mère vous a eu au pied de son métier , il serait mieux de juger les gens qui vous fassent subir tous ces martyrs avec leurs injures car ce n'est pas de faute si votre mère se prostitue, après tout c'est pour te nourrir.
Jean Ronel
January 05, 2024 - 03:09:24 PMBon bagay zanmi m
Lamartine Chéry
January 05, 2024 - 03:09:57 PMTe mettre dans lapeau d'un enfant de prostiuée comme tu le fais montre à quel point tu es touché par le phénomène de la prostitution. On retient à peine ses larmes tellement le texte nous met en émoi. On oublie souvent que les prostituées sont des femmes à part entière et peu de gens se souviennent qu'elles sont aussi des mamans. Bon travail Marcelin! Bonne continuité!
Cindy Joseph
January 05, 2024 - 04:11:03 PMLank plim nan koule dous. Chak mo yo byen chwazi pou touche sansibilite moun k ap li w yo. Mwen pran filing depi nan kòmansman teks la jouk mwen rive nan fen an. Mwen renmen jan w jouke lapenn Ti gason an mete sou do w, jan w pote vwa fanm ki sibi zak kadejak anba men bouwo isit. An gwo ,mwen damou teks la. Kontinye konsa , ou sou bon chimen an!
Bon bagay bro!
January 05, 2024 - 05:30:12 PMKenbe la zanmi m!
Bon bagay bro!
January 05, 2024 - 05:30:12 PMKenbe la zanmi m!
P.Eliphane
January 05, 2024 - 06:30:52 PMToutes mes félicitations
Woobency JB
January 05, 2024 - 07:27:02 PMTrès beau texte????????
Jonas
January 05, 2024 - 08:09:21 PMWawwww très belle text, bon travail.
Jonas
January 05, 2024 - 08:09:22 PMWawwww très belle text, bon travail.
Vendredi
January 05, 2024 - 08:10:07 PMJe trouve c'est un texte très intéressant qui décrit la réalité de beaucoup de famille haïtienne ainsi que des jeunes . C'est très originale d'aborder la question de la prostitution ainsi. Beaucoup d'enfants sont victimes de ces discours.
Pierre Paul JOSEPH
January 05, 2024 - 08:15:06 PMChapeau bas,Broh Un talent qui ne se dément pas ! Merçi pour ce texte,merci pour le plaisir que j'éprouve à le lire...
Castera
January 05, 2024 - 08:16:46 PMFélicitation bro pam..Très beau texte.Bne continuation frangin..
Psycho logic
January 05, 2024 - 08:31:05 PMTrès bien camarade, continue de progresser.
Jonel DORILUS
January 05, 2024 - 08:48:22 PMUn texte qui décrit à la fois la réalité sociologique et psychologique de certaine famille. Chapeau à vous Mr MARCELIN!
Elisabeth
January 05, 2024 - 09:21:49 PMJ'applaudis bien ton travail. Ton texte est vraiment emouvant.En lisant, je me sens plongé dans la realitée!!j'ai beaucoup aimé... !!! Mon Dieu !!! Je sens qu'il y a une suite...
Bendizo
January 05, 2024 - 10:02:34 PMJ’ai beaucoup aimé votre texte..... Tout d’abord, l'étonnennt qui se dégage directement du titre (lettre d'un fils de pute) puis votre style d’écriture aussi m’a beaucoup plu.J’ai trouvé votre prose à la fois élégante, intime et contemplative, … Cet air nostalgique que dégage votre histoire… l'atmosphère est quelque chose que j’arrive à dénicher dans presque toutes les bonnes œuvres que je peux lire.En resumé, ce fut une agréable lecture. Merci d'avoir partagé avec nous cette émouvante histoire….
Stanley AZOR
January 06, 2024 - 08:17:41 AMBon travail frérot ????
Jean Bernard
January 06, 2024 - 01:32:26 PMExcellent travail aîné !???????????? Bonne continuation !????????✍️✍️✍️
Kethia Decilian
January 06, 2024 - 09:14:50 PMSam ka Di pandanm konnen pesonaj la patap pa bay Yon teks ki bel konsa ,sak plis bel Lan teks Lan FEM santim nan pom ,genre de texte ou paka fin li ,ni pase sou li Félicitations
Ricky de Duperoy
January 06, 2024 - 09:23:13 PMFélicitations Jameson MARCELIN.
Roody DUMÉ
January 06, 2024 - 09:49:33 PMJe tiens à féliciter l'auteur pour ce beau Texte. Ce que je trouve intéresant dans ce texte, c'est la façon dont il met en relation la thématique de la prostitution et celle de la famille pour peindre la souffrance d'un enfant marginalisé à cause de la proffession dégradante de sa mère. J' attends déjà la réponse de la mère.
Velandine
January 11, 2024 - 07:12:09 PMC'est assez intéressant votre angle d'analyse dudit sujet. Continuez à travailler, cela portera ses fruits.
Renesca Mercidieu
January 16, 2024 - 12:33:46 PMDes mots émouvants glisser sous ta plume qui décrit la triste réalité de certaines mamans .... Félicitations cher condisciple, bonne continuité.
Naïka BAPTISTE
January 19, 2024 - 01:41:47 PMTrès beau texte Jameson MARCELIN. J'ai été captivé par le racontât. Bon travail ! Bonne continuation très cher.