Travailleuse acharnée, citoyenne modèle, débordante d'humanité et d'une curiosité intellectuelle à nulle égale, Paulette Poujol Oriol est une figure du monde littéraire et artistique haïtien qui a su marquer les esprits et la vie de plusieurs générations. Dotée de multiples facettes, elle est éducatrice, comédienne, dramaturge, féministe, romancière, nouvelliste. Elle a navigué entre ces mondes durant toute son existente.

Paulette Poujol est née le 12 mai 1926 à Port-au-Prince. Ses parents ont émigré en France, alors qu'elle n'avait que 8 mois. Dès son enfance, elle commenca à lire des revues, des livres, tout ce qui lui passait sous la main. Son retour en Haïti en 1932 avec sa famille va constituer le début d'une carrière extraordinaire.

Paulette Poujol-Oriol , l'enfant prodigue d'Haiti, a fait son préscolaire au 21 rue des écoles puis ses études primaire et secondaire à Sainte Rose de Lima. Elle étudie à l'Ecole Normale Supérieure (ENS) pour ensuite partir à la Jamaïque au London Institute of Commerce and Business Administration. Grâce à ses expériences de travail avec son père et son grand-père dans des entreprises familiales, on lui promettait un avenir de femmes d'affaires. Toutefois, le destin et la passion en ont décidé autrement.

Avide de culture, mot auquel elle se réfère souvent, Paulette se met au théatre, héritant de l'intérêt de sa mère pour le sixième art. En 1949, elle entre dans la Société Nationale d'Art Dramatique (SNAD) avec laquelle elle perfome pour la première fois au Rex théatre. Elle joue toutes les pièces de Mona Guérin. Son amour pour l'art théatral la poussa à transmettre son savoir en fondant et dirigeant le "Piccolo teatro". Elle continua sur le chemin de l'enseignement qui l'amena à dispenser des cours de langues au Collège Saint François d'Assise pendant 14 ans, chez les Soeurs de la Charité de Saint Louis de Bourdon et à l'Université Quisqueya où elle a enseigné la culture et la littérature anglo-saxonne. Elle monta plusieurs pièces telles le Cid de Corneille, Les femmes savantes et les précieuses ridicules de Molière, Britannicus et Athalie de Racine. Elle a été responsable entre 1983 et 1991 du département de théatre de l'ENARTS. Elle a étudié la formation des enseignants pour ensuite devenir doyenne de l'Ecole Nationale de Jardinières d'Enfants où elle forma plus de 32 générations de jardinières. Elle fut aussi l'animatrice d'une émission radiophonique de musique classique et joua le rôle de Madame Julio dans le feuilleton "Roye! Les voila!" .

L'expression de l'humanisme

Qualifiée par Gary Victor comme une personne d'une extrême générosité, sa vie est marquée par les soutiens qu'elle apporte à ses congénères mais aussi par ses apports dans la littérature. Préoccupée par la conjoncture socio-économique d'Haïti, Paulette dénonce et décrits les péripéties de la vie de ses confrères dans ses oeuvres. Elle a servi de membre du jury littéraire pour le prix Henri Deschamps aprés avoir été la deuxième femme à le décrocher en 1980 pour son roman social "Le creuset" qui retrace l'ascension d'une modeste famille haïtienne et leurs tribulations. Son recueil de nouvelles "La Fleur rouge" obtint le prix spécial de la meilleure nouvelle de la langue française organisé par le périodique le Monde en 1988. Son deuxième roman, Le Passage, peint la déchange sociale à travers son personnage principal Coralie. Avec sa nouvelle titrée "Madan Marye", Paulette gagne le troisième (3 ème) prix Jacques Stephen Alexis en 1996. Puis en 2001, le prix Gouverneur de la Rosée du livre et de la littérature. Elle produit une oeuvre dramatique denommée "Trou - soleil". De même, elle a écrit et publiés des articles; elle a préfacé des ouvrages littéraires, sociologiques et féministes; elle a collaboré sur des textes collectifs; elle a traduit aussi des albums comme celui de Martha Jean Claude titré "Je suis la femme de deux îles".

Une femme d'action et d'autorité

Paulette a milité durant plus de cinquante ans au sein de plusieurs associations féministes. Membre et fondatrice du club des femmes de carrière libérale et commerciale, fondatrice de l'Alliance des Femmes Haïtiennes (AFA). Elle fut la présidente de la ligue féministe d'action sociale dès 1997 jusquà sa mort.

Je suis haïtienne et citoyenne du monde

déclare t-elle lors d'une interview accordée à Ile en Ile en 2009. Elle visita plus de 32 pays pendant toute sa vie. Ainsi, elle a appris l'allemand, l'italien, le portugais, l'espagnol. Ayant vécu ses premières années à Paris, elle dût s'efforcer d'apprendre le créole à son retour au pays natal. Ces oeuvres et sa vie toute entière seront marquées par ses deux langues, le créole et le français, autant qu'au niveau linguistique, littéraire et éducative et sur la possible et nécessaire convergence des langues dans ce qui à trait au problème du bilinguisme haïtien. Ses nombreux travaux lui ont valu plusieurs récompenses comme la distinction honneur et mérite de l'UEH "pour la contribution au développement de l'université et à l'éducation de la jeunesse haïtienne" le 8 avril 1992; le titre de grande personnalité du théatre haïtien décerné par le centre haïtien de l'Institut International du théatre-UNESCO; elle fut décorée pour ses 63 ans dans l'enseignement par la Francophonie et le Ministère des Affaires Étrangères; elle reçut aussi des cadeaux de ses anciens élèves.

Une vie accomplie

Paulette s'est mariée deux fois. De son premier mariage, elle eut deux enfants: Georges Michel et Claudine Michel. Elle s'est remariée avec le kinésitherapeute Marc Oriol. Elle habitait au Morne Oriol entre Diquini et Martissant puis à Bois Verna. Elle s'eteignit à la suite d'une crise cardiaque le vendredi 11 mars 2011 en sa résidence. Cette grande écrivaine, pédagogue et comédienne a laissé une trace indélébile dans le patrimoine culturel haitien. Aujourd'hui encore sa renommée la suit, notamment dans la commune de Carrefour où la bibliothèque du Centre Culturel Municipal Manno Charlemagne a été dénommée Bibliothèque Paulette Poujol Oriol.