Carrefour: 210 ans d'existence, bref regard sur le passé culturel de cette ville. (PART I)

Carrefour: 210 ans d

210 ans d’existence, ancien poste militaire, commune de l'arrondissement de Port-au-Prince, Carrefour, est avec ses 165,16 km2 de superficie l'une des communes les plus importantes du pays tant par sa position géographique, sa démographie mais aussi par son passé historico-culturel. Aujourd’hui dépourvue d'une réelle politique culturelle, des sites en abandon tels la grotte de Diquini, le camp de Lamentin (Ancienne Caserne des Forces Armées d'Haïti), Carrefour essaie de redorer son image. N’ayant pas toujours été cette commune avec une faible santé culturelle, la rédaction de Kafounews vous propose aujourd'hui un bref regard sur cette ville au vécu mémorable.

Peinture

Avant l'histoire de la peinture carrefouroise, on doit tenir compte du contexte ayant favorisé son avènement. D'abord, il y a l'ouverture d'une académie d'art par Henry 1er au Cap-Haïtien. Il y a eu aussi des cours d'art prodigués au Lycée Pétion dès 1816. Ensuite au 20ème siècle avec le mouvement indigéniste, une autre forme de peinture célébrant le terroir a vu le jour. Le premier président de la République, Alexandre Sabès Pétion, avait une salle d'exposition dans sa résidence privée (qui héberge maintenant l'École Nationale de Thor). Il y eut la création du Centre d'art par l'aquarelliste Dewitt Peters en 1944 qui va propulser ce mouvement au devant de la scène. Le centre d’art est une école d'art qui regroupait un ensemble d'artistes peintres qui se disaient du style naïf/primitif. Vers 1950 au sein de l'organisme, il y eut une rebellion d'artistes qui ne s'alignaient pas à ce style naïf prôné par l'institution, un style qui était sujet à restreindre la pensée créatrice. Le groupe contestataire crée alors son atelier portant le nom de "Foyer des Arts Plastiques" qui donnera naissance après son déclin quelques années plus tard à la "Galerie de Brochette" à Carrefour. "La création de la Galerie de brochette, haut lieu de la peinture" selon les dires de l'ancien Maire Yvon Jérôme au journal Montray Kreyòl en 2008, marque le début de l'entreprise picturale, artisanale et littéraire à Carrefour. Avec l'ouverture de la Galerie de Brochette avec Dieudonné Cédor, Luckner Lazard et Roland Dorcély, Carrefour a connu une expansion dans le domaine pictural. Maintes artistes ont émergé de cet espace tels Jean René Jérôme, Nehemy Jean, Jacques Gabriel, Jean Claude Garoute dit TiGa, Rose Marie Desruisseau, etc. D’autres peintres du terreau carrefourois ont également sublimé leurs talents, citons Charles Obas, Ansy Derose , Les Tintin, Les Louizor, La famille Valbrun. Les Trois F, Fritzgérald Muscadin, etc. Les ateliers Louizor, les Ateliers Cédor, Le Foyer Culturel de Carrefour, La Galerie de Brochette sont les principaux lieux de promotion de la penture de la commune connus.

Cinéma/Théâtre

Le cinéma en Haïti a connu une renommée brillante depuis son lancement en 1899, avec une projection de Joseph Fillipi au Petit Séminaire Collège Saint Martial. Ensuite des réalisateurs comme Ricardo Widmaër et Edouard Gilbaud ont réalisé « Moi, je suis belle», le premier film haïtien. Les réalisateurs, acteurs et producteurs du milieu, ont su propulsé le cinéma haïtien à un niveau international. Ayant connu diverses difficultés tels le piratage, le non respect du droit d’auteur ou encore le manque d’appui technique, le tremblement de terre du 12 Janvier 2010 a donné le coup de grâce à ce secteur artistique. Détruits par le séisme, de nombreux salles de cinéma ont fermés leurs portes pour ne plus jamais les rouvrir. La pratique de se rendre au cinéma en famille, en amis ou en amoureux surtout les jours de fin de semaine n'existe plus. Outre les problèmes structurels, techniques ou artistiques, la technologie a aussi eu raison de cette déchéance criante. Réduit à de simples scénarios, montages ou encore cadrages à la va-vite pullulant sur la plateforme de streaming YouTube, les salles de cinéma sont plongés dans l'ombre. Rares encore sont les marchands déambulants de DVD ou de CD de films. Le septième art a eu plusieurs salles de projection à Carrefour, citons entre autres Le Cric-Crac Ciné, le Cristal ciné, le Coliseum, le Brochette 101, le Ciné Mac Haïti. Des petits groupes de jeunes tentent en vain aujourd'hui de tenir ce flambeau, il y a comme exemple le Rétro-Ciné qui se faisait à la Fondation Éric Jean Baptiste.En plus des salles de ciné, la commune de Carrefour a aussi engendré de grandes figures emblématiques du monde de la scène, citons Languichatte Débordus de son vrai nom Théodore Beaubrun, Nicolas Pierre Rolin connu sous le sobriquet de Alcibiade ou Biada, Roland Dorfeuille alias Pyram, Tonm Malè de son nom Lamour E. Laguerre et Edouard Baptiste dit Youyou.

Littérature

Avec ses 13 sections communales, la commune de Carrefour avait vu fermer les portes de son unique bibliothèque « La Bibliothèque Justin Lhérisson ( BJL) » situé à l’angle des rues Mathon et Mon Repos 44. Ce dernier a participé à la naissance de jeunes plumes à travers ses divers ateliers : « Ateliers Marcel Gilbert, Atelier le Vide, Djab, Dieu Jeunesse Art, Créole Cre’Art… ». Ces jeunes prodiges étaient Coutechève Lavoie Aupont, Jacques Adler Jean Pierre, Duckens Charitable dit Duccha, Anderson Dorvilas, Darline Gilles, Fred Edson Lafortune, James Saint Felix, Garnel Innocent (également peintre), Evains Wêche, Jonel Juste et tant d’autres qui ont été influencés par le joug littéraire et artistique des écrivains et artistes ayant frôlé l’espace pour une conférence ou autres. Carrefour offrait certainement un sentiment de liberté et de plénitude propre à la création, car dans cette ville plusieurs écrivains avaient trouvé leur chez soi, il y a Mona Guérin, Paulette Poujole Oriol, Anthony Phelps, Denis Villard/Davertige qui venaient à la Galerie de Brochette.

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Nicoletta Pascale Moïse 11

Étudiante en Relations internationales et en Psychologie à l'Université d'État d'Haïti.

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