Aujourd'hui Gabynho donne la parole au poète Carrefourois, Floriyo Jean Grégory. Écrivain-poète, Gregphile est l'auteur du recueil "Mots-ailés, jeux mots-dits" paru chez Rasin Éditions en 2022.
Entretien.
Jean Floriyo Grégory: J'écris pour offrir au monde ma part de silence

Gabynho: Floriyo, parlez-nous un peu de vous. Comment êtes-vous arrivé à la poésie?
Floriyo Jean Grégory: Je suis Jean Grégory FLORIYO (GREGPHILE), troisième d’une famille de six enfants. Je suis comptable de formation, couturier et formateur en éducation civique.
Passionné de littérature en général et de poésie en particulier, je suis l'auteur du recueil "Mots ailés, jeux mots-dits" publié chez Rasin Éditions en 2022.
Je suis également, avec Wilkens Scott Fifi, Coauteur de "Mil pa distans zewo"
Contributeur à The Second Anthology World Gogyoshi (2020), l'Anthologie du Renouveau (2025), ma rencontre avec la poésie a eu lieu en classe de 9ᵉ A.F, si je me souviens bien, grâce à mon professeur de stylistique qui nous a permis de lire un texte de Charles Baudelaire : "Il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville...".
Il nous parlait, mes camarades et moi, de l’importance et de la disposition des rimes.
Depuis ce jour, un déclic s’est produit en moi. J'ai commencé à produire des textes poétiques en tentant d’imiter les poètes classiques.
Au début, mon seul souci était de faire rimer mes poèmes. J’ignorais totalement qu’un texte poétique devrait exprimer des sentiments et des émotions.
J’ai ensuite compris que le poète doit jouer avec les mots et leur sonorité, avec pour intention de partager ce qu’il pense, ce qu’il voit ou ce qu’il ressent.
Aujourd'hui, c'est autre chose, très touché par les problèmes existentiels,
j'écris pour offrir au monde ma part de silence.

G: Ce qui se passe en Haïti actuellement est infernal. Massacres. Territoires perdus. Un million de PDIs. L'écrivain que vous êtes a-t-il un rôle à jouer pour redresser la barque?
FJG: Ce qui se passe en Haïti, dans le département de l'Ouest précisément est chaotique et dépasse les mots, ou de simples expressions, mais c’est justement dans ces moments de grands troubles sociopolitiques et à travers les mots que l’écrivain peut trouver son rôle de sculpteur de mémoire. Face au chaos, l’écrivain est une mémoire vivante, un témoin, un veilleur. Par sa plume, il peut dénoncer, éclairer, interroger. Il a la responsabilité également de donner une voix aussi faible qu'elle soit, à ceux qu’on réduit au silence, sensibiliser l’humanité, s'engager à empêcher l’oubli.
Mais l’écrivain ne se limite pas à témoigner ou dénoncer. Il rêve aussi. Il reconstruit dans l’imaginaire ce que la violence détruit dans la réalité. Il sème l’espoir là où tout semble perdu. Et parfois, un mot de réconfort, un texte vibrant, peuvent réveiller une conscience, rallumer une flamme au point mort.
Redresser la barque d’Haïti exige des actions concrètes, bien sûr, mais cela exige aussi une vision mûrement réfléchie, une force morale, un refus de la résignation. Là est inscrit la responsabilité de l’écrivain. Écrire pour ne pas avoir vécu comme un petit caillou de quoi on ne retient pas grand chose, écrire pour faire preuve de résistance et garder la tête hors de l'eau, écrire pour reconstruire surtout des choses qui méritent d'être perdurées.

G: Ces jours-ci de plus de plus de jeunes, de moins jeunes également, publient leurs premières oeuvres. Ils sont nombreux à rafler des prix littéraires. Comment expliquez-vous cela. Y-a t-il urgence d'écrire?
FJG: Les mots jaillissent, pressés, comme une source qu’on ne saurait contenir. Ils cherchent à s’inscrire, à exister, à dire le monde avant qu’il ne s’efface.
Aujourd'hui, de plus en plus d’âmes, jeunes ou mûres, prennent la plume comme une arme redoutable, ces âmes,portées par l’élan du temps, par l’envie d’inscrire leur part de souffle dans l’éternité des pages.
Est-ce une urgence ? Peut-être.
Peut-être est-ce le frisson du temps qui s’accélère, l’écho des silences qu’on souhaite ne pas oublier. Peut-être est-ce le besoin de crier l’indicible, de peindre les ombres et les lumières, de semer des songes dans l’argile du présent.
Les prix littéraires paraissent comme des phares dans la nuit, révélant ces voix nouvelles, ces murmures se transformant en tempêtes vite fait. Mais au-delà des lauriers, il y a ce feu qui consume, cette nécessité d’écrire, non pour être sacré, mais pour être entendu.
L'écriture n’est pas qu’un art, elle est un acte d'engagement, une part de don à la postérité, une empreinte dans le vent, une urgence d’être, à travers les mots perpétuellement.
G: Deux, trois, quatres livres de votre bibliothèque avec lesquels vous voyageriez sur une île déserte...
Sans hésiter je prendrais avec moi ces quatres livres qui m'ont profondément marqué:
"La Condition humaine" d'André Malraux
Publié en 1933, La Condition humaine est ce roman d’André Malraux qui retrace les événements de l'insurrection communiste de Shanghai en 1927. Il explore les dilemmes existentiels et politiques des révolutionnaires confrontés à la violence et à la mort.
Sur ce je dois faire un coucou à Judicaëlle Sully qui m'a permis de découvrir ce roman.
''La belle amour humaine''
de Lyonel Trouillot, paru aux éditions Atelier jeudi soir.
C'est aussi le titre d'un message de vœux que Jacques Stéphane Alexis a publié en 1957
"La famille des pitit caille''
de Justin Lhérisson
L'histoire politique décrite dans ce roman montre que plus d'un siècle après la façon dont on fait de la politique dans ce pays n'a pas changé.
''Et la pluie pour ma soif'' un roman
de "Han Suyin" publié en 1959.
Inspiré de faits réels, il se déroule en Malaisie pendant l'insurrection communiste des années 1950.

G: En tant que poète, avez-vous des thèmes fétiches?
FJG: En tant que poète, il m'arrive souvent de développer des thèmes de prédilection qui reflètent mes préoccupations, mes expériences et ma vision du monde.
Quelquefois, j'ai remarqué une certaine prédominance des thèmes liés à la mort, à la maladie ou, du moins, à la souffrance. Peut-être est-ce dû à la situation de mon pays et, en particulier, à mon environnement immédiat.
Au fait, j'écris sur tout ce qui me passe par la tête. Cela dépend aussi de l'endroit où je me trouve et de l'ambiance qui y règne.
G: Un poème comme cadeau...
FJG: Je suis parti dès l’aube chercher ailleurs,
là où le soleil ne chôme pas,
où le jour et la nuit ne font qu’un,
tout ce qui peut illuminer la vie,
embaumer le monde sauvage de la flore.
Hélas,
je suis revenu bredouille, sans la flamme vive de ma jeunesse,
avec des plis et des rides sur tout le corps,
vieux de printemps fragiles, chargé des carcasses d’astéroïdes
éclatés avant l’échéance.
Mes chaussures, usées par la poussière de l’errance,
portent le chant de détresse des exilés
sur mes lèvres saignantes.
Je suis rentré dans mon pays flottant,
ma patrie bien-aimée,
ma terre, mon chez-moi.
Debout devant le miroir, contemplant le présent de mon passé,
je suis rentré avec la certitude
de ne plus repartir, sur mes chutes rouges,
dans ma demeure-tombe.
GREGPHILE
Blondy Wolf Leblanc (Gabynho) 112
Mémorand en psychologie à la Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti (FASCH-UEH), Gabynho est un acteur culturel très influent à Carrefour où il initie et coordonne "Festival Liv Kafou", "Semèn Jèn Ekriven Kafou" et "Week-end Poétique".
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