Aujourd'hui Gabynho donne la parole à Mardochée Gay. Étudiant en psychologie, enseignant et écrivain, Gay est l'auteur d'un recueil de poèmes (La douce qui vient) et d'un roman (Vergétures).
Mardoché Gay: j'ai le devoir de porter un message de courage

Gabynho: Ces jours-ci de plus de plus de jeunes, de moins jeunes également, publient leurs premières oeuvres. Ils sont nombreux à rafler des prix littéraires. Comment expliquez-vous cela. Y-a t-il urgence d'écrire?
Mardoché Gay: Je me rejouis de voir autant de jeunes s'exprimer par l'écriture. Cela confirme les propos du poète Villevaleix qui déclarait comment ne pas être poète quand on vit dans un pays aussi riche qu'Haïti d'un point de vue folklorique. Je pense que l'urgence n'est pas d'écrire simplement. Mais plutôt de se construire, de contribuer à quelque chose de plus grand que soi, d'offrir au monde, à Haïti sa part de soleil.

G: Ce qui se passe en Haïti actuellement est infernal. Massacres. Territoires perdus. Plus d'un milion de PDIs. L'écrivain que vous êtes a-t-il un rôle à jouer pour redresser la barque?
MG: Comme tout écrivain, ma plume ne peut pas rester indifférente face à la situation infernale de mon pays. Je pense que j'ai le devoir de porter un message de courage. D'espoir. De tendresse. De bienveillance. J'ai le devoir de porter un message qui permet de renouer avec soi-même et avec les autres.
L'écrivain que je suis se donne pour rôle de faire une radiographie de la société. C'est que je peux porter mon regard sur les problématiques sociaux, y réfléchir et inviter mon lectorat à faire de même.
G: Dans "Tout bouge autour de moi", Dany Laferrière a écrit: " Ma confiance dans la poésie est sans limite. Elle seule est capable de me consoler de l'horreur du monde". Diriez-vous la mëme chose?
MG: Je pense que je dirai la même chose. Parce que par la poésie, je peux embrasser la vie. Je peux vivre aux éclats. En faisant de la poésie, j'ai l'impression que je peux agir sur le monde, sur ma vie. J'évolue dans un pays en crise et il faut vivre. Je dois vivre. Donc, la poésie me donne cette possibilité de sublimer l'adversité, mon impuissance, mes incertitudes, mes projections et surtout le chaos. Que ce soit externe en tenant compte de tout ce qui passe dans le pays actuellement. Que ce soit qui se passe dans mon for intérieur.
G: Votre roman, " La douce qui vient" parle de quoi
MG: Mon roman titré Vergetures est la peinture d'une famille pastorale. Cette dernière est confrontée à une tension entre le père pasteur et sa femme commerçante. Le père se donne à fond aux activités de l'eglises sans autres sources de revenu. La mère quant à elle s'engage pour subvenir aux besoins de sa famille. La tension réside dans l'indifférence du père quant aux efforts de sa femme.
Le personnage principal est Celestin. Le premier fils de cette famille. Il entretient une relation compliquée avec l'amour de son enfance. Face aux attentes sociales qui se dressent devant lui en tant que fils du pasteur, il prend un autre chemin depuis son entrée à la Faculté des Sciences Humaines de l'UEH. Le roman explore l'effluve voluptueuse de Celestin qui fantasme sur la domestique de sa famille. Extrêmement libertin, il a trompé sa petite amie avec sa meilleure amie. En prenant connaissance de cette ultime trahison, Reine -Soleil s'est livrée à une orgie dans l'uniqur but de blesser Celestin. En découvrant cela, Célestin est plongé dans la dépression où il a failli se suicider. L'essence de mon roman réside dans la bienviellance de son entourage qui lui a aidé a surmonté cette épreuve. J'ai voulu montrer l'importance la bienveillance de son entourage dans les relations interpersonnelles.
À travers ce roman, j'ai pu faire une radiographie de la société. J'ai faire une critique de l'indifférence de l'État lors des incendies des marchés. J'ai voulu faire un travail de mémoire.
Avec la peinture du mouvement _pays Lock_, j'ai essayé de décrire le désenchantement d'une jeunesse coincée entre rêves brisés et survie quotidienne
J'ai aussi pris en considération les cas de Kidnapping ( Reine - Soleil), l'assassinat d'un étudiant à la FE par les Forces de l'ordre ( pour rappeler celui de Gregory St Hilaire), les adolescents qui se livrent à l'alcool, au marijuana et à divers sortes de drogues sur les plages de Merger et Gressier.
Mon roman est en fait une articulation entre critique sociale et drame personnel. J'ai essayé de plonger le lecteur dans une Haïti marquée par la corruption, la misère, l'insécurité, L'Etat démissionnaire et des politiciens opportunistes.

G: Deux, trois, quatres livres de votre bibliothèque avec lesquels vous voyageriez sur une île déserte...
MG: Le choix me semble difficile, tant de livres m'ont profondément marqué. Bon voyons. Je prendrai avec moi Vivre la psychologie du Bonheur de Mihaly C., l'Étranger de Camus, l'Alchimiste de Paolo Coelho, la ferme des animaux de Georges Owell. C'est sûr que j'emporterai aussi un texte de Trouillot, de Hibbert ou de Marcelin.
Blondy Wolf Leblanc (Gabynho) 114
Mémorand en psychologie à la Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti (FASCH-UEH), Gabynho est un acteur culturel très influent à Carrefour où il initie et coordonne "Festival Liv Kafou", "Semèn Jèn Ekriven Kafou" et "Week-end Poétique".
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