Il y a quelques semaines depuis qu'un bon ami de plume venait embaumer l'atmosphère de chez moi avec l'arôme d'un nouveau livre flambant neuf. Jusque-là aucune version De la maison de parfumerie Creed n'arrive à m'épater à la hauteur de l'odeur d'un livre fraîchement imprimé. Au fait, ce n'est pas la senteur du papier en soi qui m'apporte autant de bonheur, mais c'est le Safran des aventures qui y est exhalé, le jasmin secrété par le bricolage des mots, l'ambre enivrant de sa poésie et le cèdre de chaque paragraphe, chaque strophe. Personne ne sent aussi bon qu'un type à peine sorti d'une bibliothèque.
D'entrée de jeu, les passagers du paradis est une entreprise de dénaturalisation, ce texte tente de remuer la doxa. Et c'est nécessaire dans une société où les tares sont tellement récurrentes qu'elles finissent par constituer la routine de notre existence.
L'auteur est pratique. Il ne vous raconte pas des histoires à couleur fantastique confinées dans les nuages. C'est du concret, du vrai banal. Ce n'est jamais facile de faire facile surtout dans une initiative d'écriture, on cherche souvent à s'extraire de l'ordinaire pour faire suinter de notre imagination des histoires et forme d'écriture, à notre avis, extraordinaires. Par contre, Franck S. Vanéus, avec ce bouquin, nous paye une visite guidée dans l'ordinaire détaillé. Et c'est pas si ordinaire.
De rien ne va plus à vengeance, voies impénétrables, ce sont huit nouvelles qui content des réalités bien huilées dans le vécu haïtien. Clin d'oeil à Michelet qui a du aller prendre un bon bain chez Pè Mòy, son Houngan, du fait de ses cumuls d'erreurs qu'il assimile à la malchance. L'haïtien, étant bloqué dans l'état théologique de Comte, attribue toujours le sens de sa réalité aux volontés d'une quelconque instance supérieure.
Autre fait qui recèle un aspect plus répétitif en Haïti qu'ailleurs, c'est le suicide de timadanm. Lorsqu'on lit entre les lignes, on y décèle que le motif du son suicide n'est pas dû à sa tombée enceinte, mais de préférence à la fuite de Hodelin. Dans le réel Haïtien,les tendances suicidogènes sont souvent nourries par des déceptions amoureuses, pourtant, celles des individus d'autres sociétés sont plutôt alimentées par un déclin socio-économique. Ne serait ce pas un déficit de prise de conscience du coté Haïtien? Ne serait-il pas un indice qui montre que l'Haïtien tend à s'inquiéter beaucoup plus pour son bas-ventre que son ventre??
Les nouvelles regorgent d'histoires apparemment banales auxquelles est vouée une forte dose d'Haïtiannité. Dans le soubassement de chaque récit s'infiltre, que ce soit de manière historique ou factuelle, sous toutes ses formes, le vécu Haïtien. Par exemple, la vengeance de frère Jean est due à l'absence du sentiment de satisfaction et d'apaisement qu'attend la société de tout système judiciaire. Au fait quand la justice publique est inexistante, ça entrave l'harmonie sociale et distribue au citoyen lambda le rôle de se donner justice. La justice privée prend donc le relais. Venant d'un avocat assoiffé de justice, surtout témoin de l'assassinat de son ancien bâtonnier, cette nouvelle a l'allure d'un appel à la conscience des parents de victimes de l'insécurité généralisée et ciblée du pays.
En fin de compte, ce travail a le mérite d'exprimer tacitement l'haïtien dans son histoire et son présent. C'est immense (dans la voix de Fabrice Luchini). L'auteur a le génie de traduire si simple des chose éminemment complexes. Pour cerner la lourdeur du livre, il faut chercher à lire ce qui n'y est pas écrit: la complexité haïtienne.
Pour conclure, il y a un maître-mot qui caractérise cette production littéraire: la simplicité. Et je ne fais pas partie de ceux qui croient que la facilité et la simplicité forment un trio irréductible avec la médiocrité.. Une sorte de Threesome à volupté volatile sans ancrage pérenne dans le réel. Je crois que la facilité est la preuve qu'on peut prendre son envol aisément telle une chenille qui a bien subi sa métamorphose en papillon. Les passagers du paradis est le premier recueil de nouvelles de l'avocat-philosophe-entrepreneur, c'est quand même inimaginable de livrer comme première oeuvre, un travail d'une aussi bonne facture. Mais, dans la nomenclature des génies, il y a des précoces et des tardifs. Comme néophyte de la littérature, Franck S. Vanéus, à travers ce livre, semble très bien se ranger aux cotés des génies précoces.
Passagers du paradis: une visite guidée dans l'ordinaire détaillé

J Kendy Clermont 9
Sociologue
2 Commentaires
Lamartine
February 16, 2022 - 03:23:22 AMBravo J Kendy Clermont! Kafou News klere klere!
Romy
March 01, 2022 - 07:20:36 PMBèl tèks