Cher Monsieur,
 
J’ai rarement éprouvé autant de plaisir à visionner un message d’une profondeur de surface aussi stigmatisant que symptomatique d’une pseudo suprématie de l’homme blanc véhiculé depuis de nombreux siècles à l’encontre de mon peuple et de ma race.
 
En effet, dans une courte vidéo publié sur Tiktok vous exhortez, dans un langage diaphane, vos compatriotes à demander des comptes au gouvernement de votre pays, le Canada, qui redistribue une partie des impôts collectés aux Haïtiens : « … On dépense, on dépense. Tes taxes et tes impôts, mon gars, cela sert à Haïti. Tu te fais remplacer et tu paies pour ça. Vas-y mon gars. Quarante pourcent de ta paye donnés pour Dieudonné de Vendredi, qui n’est pas un réfugié politique. Dieudonné de Vendredi, ses ancêtres ont massacré tous les blancs à St-Domingue. Donc, il se retrouve dans un pays de chiottes ou rien fonctionne. C’est la totale corruption. Ça s’appelle Haïti. Ils ont massacré tous les blancs sur l’ile. C’est la politique génocidaire de Dessalines après la révolution haïtienne…Il a forcé les métis à égorger les femmes et les enfants blancs. Maintenant ça vient pleurnicher que leur pays c’est un pays de chiottes. Mais les gars, votre Première République Noire vous l’avez. Vous n’êtes pas des réfugiés politiques. Vous êtes des immigrés économiques. Vous voulez venir ici pour augmenter votre niveau de vie, par ce que votre pays est un trou à merde. C’est un trou à merde Haïti. C’est ça la réalité. Votre République Noire vous avez massacré tous les blancs, retournez-y et construisez-la. Votre Wakanda magique. Le Wakanda, c’est Haïti en fait. C’est ça la République Noire… vous prenez vos clics et vos clacs, vous arrêtez de nous emmerder avec votre discours victimaire et vous retournez bâtir Haïti… le Québec est majoritairement blanc. C’est pour cela que vous nous aimez. Population blanche à haut quotient intellectuel…».  
 
L’Afrique étant le berceau de l’humanité, prenez la peine de parcourir les travaux du docte Anténor Firmin en anthropologie positive pour saisir la profondeur du gouffre dans lequel vous vous êtes jeté. En effet, dans son fameux texte de l’égalité des races humaines, l’illustre Firmin déconstruit les thèses racistes de l’homme blanc soutenues par Gobineau. Mais, perdu dans votre contemporanéité dont la pierre angulaire est le consumérisme, la haine de l’autre et le refus de savoir, enfermé dans votre tour d’ivoire, vous ne saurez vous préoccuper de choses qui vous dépassent. Au nom des réseaux sociaux et de la sainte ignorance, les quidams se transmuent en savants.
 
Revenons sur les affronts de bas étage faits à mon Peuple. Vous remuez le couteau dans la plaie béante qui ronge la société haïtienne. Je vous le concède. C’est pourquoi je ne m’insurge pas contre vos propos vides de sens et votre infantilisme. Néanmoins, je suis indigné devant l’hypocrisie et le patriotisme à fleur de peau des hommes et femmes qui constituent les élites de mon pays et qui ont grandement contribué à le détruire avec l’aide des blancs racistes comme vous depuis 1804. La mort de L’empereur Jacques 1er a été planifié par les mulâtres et les négociants américains. La grande majorité des Noirs a toujours vécu et maintenu dans le dénuement le plus total, par les élites politiques et économiques, soutenues par les étrangers racistes dont vous faites partie. Tous les gouvernements sanguinaires se sont maintenus au pouvoir grâce à l’appui inconditionnel de l’occident. Leur idylle contre mon Peuple dure aujourd’hui encore. Nul doute que l’avènement des derniers jouisseurs de ces dernières années au pouvoir a amplifié, de manière exponentielle,  le délitement des mœurs et des institutions de mon pays. Pour se pérenniser au pouvoir, ils imposent la violence comme rapport avec la population. Dans le même temps, ils pillent les caisses de l’état pour mener la belle vie dans les grandes villes des pays impérialistes autoproclamés, pays dits-amis d’Haïti. La belle histoire ! Quand on ignore l’histoire d’un peuple, il est aisé de le condamner. Mais, le mal Haïtien est plus profond.   
 
Les tweets ne sauraient effacer la réalité ni l’affront. Les plus prompts à s’insurger contre votre discours, réagissent pour cacher leurs montreuses responsabilités, dans la destruction longuement planifiée de mon pays et la disparition tant souhaitée de mon peuple. L’occident ne pardonnera jamais à Haïti la Geste de 1804.
 
Les gangs qui tuent, violent, volent en plein jour ne constituent pas le véritable fléau pour le devenir du Peuple Haïtien. Ils ne sont que l’expression actuelle de la violence endémique dont les élites se sont toujours servies, avec l’aide de l’occident, pour acquérir le pouvoir, l’exercer, s’y maintenir et le transmettre. En témoigne la disparition de ces valeureux citoyens : Jacques Stephen Alexis, Richard Brisson, Monferrier Dorval, Grégory Saint-Hilaire, Peterson Paul…. Les hommes et les femmes de pouvoir, ceux-là mêmes qui ont détruit l’héritage Dessalinien en singeant l’homme blanc ou en se liguant avec lui, contre leur peuple, souffrent d’amnésie collective tactique. Le Peuple Haïtien dans sa clairvoyance n’oublie rien. Il attend patiemment son heure. Dans les rues de Port-au-Prince déambule actuellement un nouveau Jean Jacques Dessalines. Il chassera, à grands coups de pieds au cul le petit blanc donneur de leçons et luttera farouchement contre l’excrémentisation des institutions Haïtiennes. L’heure approche! Haïti renaitra de ses cendres !
 
Cher Monsieur Alexandre Cormier-Denis vos propos n’engagent que vous. Les Canadiens valent beaucoup mieux que cette diatribe triviale et maladroite.
 
Un dernier mot cher Monsieur, je crois que vos parents et leurs congénères passaient le plus clair de leur temps, dans les années soixante, à procréer, quand les premiers enseignants haïtiens sont arrivés au Canada. À l’évidence, vous prolongez cette tradition familiale.
 
En dignes descendants de Jean Jacques Dessalines le Grand, les enseignants haïtiens ont éduqué vos parents sans user d’aucun châtiment corporel. Pour eux, les valeurs humaines peuvent se transmettre dans la dignité et le respect du corps de l’autre. L’homme blanc, de tout temps, sans foi ni loi, tue et pille pour acquérir des richesses, créer et protéger son mode de vie, partout sur la planète. Les enseignants Haïtiens ont aussi rendu prospère la terre aride du savoir de l’arriéré canadien des années soixante. Le quotient intellectuel auquel vous faites référence fièrement aujourd’hui est le fruit de cet exploit surhumain.
 
Continuez à patauger dans la fange de la haine de l’autre qui en réalité témoigne d’un mal-être profond. Car, l’autre que vous stigmatisez n’est pas si différent de vous. Il est ce que vous êtes. Vous lui ressemblez.
 
Espérant que vous prendrez un jour conscience que cette planète appartient à tous et que l’humanité est une, je vous prie de croire que l’illusion de la suprématie blanche touche à sa fin.
 
Carrefour, 15 mars 2023
 
Franck Stevenson VANÉUS, av.