Où sont donc nos valeurs?

Où sont donc nos valeurs?

C’est la valeur qui connaît la valeur qui met en valeur une valeur, tels sont les propos maladroitement ânonnés par le directeur d’un lycée lors de son installation. Cela me remet en mémoire deux évènements. Le premier, le cours inaugural de Yannick Lahens au Collège de France en 2019. Un propos d’une telle érudition qui fait honneur à ses illustres devanciers tant au Collège ( je ne puis m’empêcher de penser à Michel Foucault) qu’aux tenants de l’intelligentsia haïtienne. Le second, me renvoie quelques heures en arrière après avoir visionné, sur les réseaux sociaux, un extrait d’une émission diffusée sur la chaîne 13, Télé Timoun, où le jeune professeur Gregory Saint-Hilaire très critique contre le parti au pouvoir, put démontrer les limites de ceux qui nous dirigent tout en étalant le savoir encyclopédique acquis à l’École Normale Supérieure de Port-au-Prince.

En effet, le jeune normalien a su trouver les mots justes pour qualifier ce régime « epistémophobe », des hommes et des femmes imperméables au pouvoir qui abhorrent le savoir. Il a aussi rappelé l’assassinat odieux du docte publiciste, professeur aux universités depuis plus de vingt ans, Monferrier Dorval à l’entrée de son domicile.

Ce jeune homme sera assassiné à son tour lâchement, dans l’enceinte même de l’ENS, peu de temps après son interview pour avoir tenté de revendiquer l’exécution d’un contrat passé entre le Ministère de l’Éducation Nationale et l’École Normale Supérieure bien des années auparavant. Ledit contrat octroie aux jeunes diplômés le privilège d’entrer en fonction en tant que titulaires d’une chaire après une période de stage. Le droit au travail, droit fondamental par excellence consacré par la charte fondamentale et reconnu par la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, permet à ce groupe de jeunes pourvus de compétences avérées, bafouées par l’administration alors que dans le même temps des ignares occupent les postes clés dans les lycées, de se mobiliser pour se faire entendre. Une manifestation estudiantine à l’intérieur de la faculté ne peut aucunement se terminer dans le sang. À moins que ceux qui nous gouvernement ne soient devenus fous.

Ils sont pris en flagrant délit d’état d’ébriété politique et de mégalomanie.

Les normaliens revendiquent le droit à la dignité humaine. Ce même droit que les pères fondateurs de la patrie ont conquis de hautes luttes contre les colonisateurs.

L’ironie a voulu que le savant directeur fasse l’éloge de la valeur mettant en valeur une valeur. Il est une valeur sûre, pour sûr. Le pouvoir « épistémophobe »aussi.

Combien de Monferrier Dorval et de Grégory Saint-Hilaire devons nous enterrer vivants pour permettre à des incompétents de se pérenniser au pouvoir et le transmettre à leurs amis ? Combien de temps encore ces apprenants tiendront le pays en otage ? Combien de bandits légaux devront-ils armer pour détruire les maisons dans les bidonvilles et tuer les opposants ?

Les réponses arriveront certainement. Le temps poursuit sa marche imperturbable. Trente années d'une dictature sanguinaire sont parties en fumée, un matin. Cinq ans, dix ans ou vingt ans d’obscurantisme finiront, certainement, dans les mêmes conditions.

Les « bòt fere », les docteurs ignorants conseillers des hommes au pouvoir ou des hommes en campagne, prenez le temps de relire l’histoire de ce pays. Le peuple haïtien est un peuple rebelle. Souvenez-vous du Cacique Henri, de Boukman, de Dessalines, de Sylvio Claude...

Souvenez-vous surtout d’Attila, chef des Huns et des propos pleins de sagesse que l’on prête au vieux Pape Léon 1er devant la furie de cette peuplade turco-mongole déferlant sur l’Italie: « Attila, le sang des innocents laissent toujours des traces ».

Les perdants finissent par abandonner. Les gagnants n’abandonnent jamais. Enfin, souvenez-vous le peuple gagne toujours.



Franck S. VANÉUS , av.
6-10-2020

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La Rédaction 238

Kafounews

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