Le parjure ou quand le miroir américain ne renvoie pas la même image en Haïti

Le parjure ou quand le miroir américain ne renvoie pas la même image en Haïti

Le concept d’honneur ne court pas les rues. L’honorabilité et certaines gens ne dorment pas au fond du même lit.

Ce matin, un vieil ami, hanté par le spectre de fin du monde qui menace notre pays, m’a contacté très tôt pour me questionner sur une thématique dans l’air du temps: le parjure. Il m’a submergé de questions : Qu’est-ce que le parjure? Est-ce une infraction ? Quelle est sa place dans notre pays et, aussi, quelle place-t-il dans la culture américaine?

Sans détour, allons à l’essentiel, le parjure s’entend d’un faux serment, d’une violation de serment. Le président de la République, à l’instar de nombreux fonctionnaires, au moment de son entrée en fonction prête serment devant Dieu et devant la Nation d’observer fidèlement la Constitution et les Lois de la République, de respecter les droits du Peuple Haïtien, de travailler à la grandeur de la Patrie, maintenir l’Indépendance Nationale et de l’intégrité du Territoire. La prestation de serment, en vogue aussi dans d’autres pays, constitue l’engagement solennel de comportement du chef de l’état lors de la prise de ses fonctions. Indubitablement, il s’agit d’un appel portant sur l’honneur de ce dernier. Il faut se rendre à l’évidence. Le concept d’honneur ne court pas les rues. L’honorabilité et certaines gens ne dorment pas au fond du même lit.

Le président a entamé depuis plusieurs mois, à grand renfort de publicité, sa marche inexorable vers un changement de constitution. Il espère l’adoption de sa nouvelle constitution par voie référendaire. Passant outre les dispositions irritantes de la loi-mère. Ainsi, il entend sciemment violer celle sous l’égide de laquelle il est entré en fonction. À défaut de crier à la forfaiture, il s’agit, ici, d’un cas de parjure prémédité. La préméditation, en droit, est une circonstance aggravante. Il semble que le mensonge s’érige en vertu, devient une manière d’être, au sein de la société haïtienne et particulièrement de ce gouvernement. 

Certaines sociétés exècrent le mensonge. Ainsi, aux États-Unis d’Amérique, le parjure constitue un crime. Son auteur s’expose à une peine pouvant s’étendre jusqu’à sept ans. S’agissant d’un élu, il peut se voir destitué. Le puritanisme américain a en horreur le mensonge. C’est pourquoi, la société inculque, dès le berceau, à tout enfant, de dire, en toutes circonstances, la vérité. Celui qui ne se contente pas seulement de mentir, mais semble vouloir l’assumer ou l’assume purement et simplement, sans faire amende honorable, ne sera jamais pardonné par l’opinion publique américaine. Il sera traité en pestiféré. Le président Clinton en avait fait l’amère expérience. 

Dans le cas d’Haïti, aucun doute n’est plus possible sur la capacité d’arracheur de dents de notre « Aprèdye nasyonal ». C’est une seconde nature chez lui. Malgré tout, les dignitaires de deux administrations successives au pays de l’Oncle Sam continuent de lui apporter un soutien inconditionnel. D’aucuns croient qu’il dispose d’un blanc-seing. Sans doute, soutiennent-ils et maintiennent-ils à mots feutrés, maladroitement et tactiquement, que le Peuple Haïtien est constitué de sous-hommes qu’on ne saurait jugé en fonctions des mêmes standards qu’ils se jugent eux-mêmes. En effet, monsieur Donald Trump n’avait-il pas déclaré qu’Haïti était un pays de merde? En ce bas monde, il existe des humanités superposées. Les vrais hommes cultivent la vérité, le respect de la parole donnée et les autres, ceux qui cheminent vers les ténèbres, en plein jour, renonçant à toute forme d’humanité, s’avilissant, s’asservissant, se contentent d’une certaine idée, d’une pâle représentation de la vérité. Il semble que ces deux humanités se tiennent la main, font bon ménage. Un homme a toujours besoin d’un sous-homme qui l’admire.

Share

Franck S. Vanéus 43

Avocat et Philosophe...

Laisser un commentaire

0 Commentaires