Il m’a semblé qu’en ces temps d’incertitude,
lorsque le passé se dérobe et que l’avenir est
indéterminé, il fallait mobiliser notre mémoire
pour essayer de comprendre le présent.
(R. Castel, 1995 :13).
Kwen pawòl lib?
Le temps semble depasser l’incertitude en Haiti. L’avenir se mesure à l’aune du chaos. Sans doute on peut se demander, à chaque instant, si la certitude de notre existence et de l’avenir font partie de notre univers, notre quotidien étant caractérisé par le spectre d’un effacement de tout substrat humain. La dignité, le bien-être, la justice sociale, le vivre-ensemble, entre autres, sont suspendus par le désir illmité d’enrichissement d’un groupuscule au détriment de la majorité. En revanche, le vol, le viol collectif, le massacre, le braquage, le matraquage systématique de la population par des gangs armés entravent le devenir collectif. Dans cette traversée de l’incertain ô combien déshumanisante, tout est permis, il n y a aucune interdiction, pas même une main levée, la situation s’aggrave. En effet, la violence donne lieu à une banalisation de la vie, laquelle à son tour facilite les actes violents. Cette situation est également conditionnée par l’idée que ceux à qui elle profite se font du reste de la population, idée selon laquelle cette dernière doit vivre en marge. En s’appuyant sur cette prémisse (majeure), la violence devient l’arme la plus rassurante pour eux. Aujourd’hui, nous vivons et subissons les formes les plus meurtrières de cette arme. Elle marche de territoire en terrritoire, elle arrive même à pénétrer l’intimité des individus et entraine leur inaction qui se déguise parfois en une série de propositions morts-nées.
La situation qui se dresse devant nous est sans doute la longue marche d’une crise systémique généralisée, pour reprendre l’expression de l’historien Michel Hector. Mais, Il y a tellement de facteurs à prendre en considération, l’urgence de la crise sociale est souvent négligée. Au dire d’Egar Morin,
à force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel.
On rencontre des propositions qui relèvent, entre autres, de l’amateurisme, du manque d’imagination, d’une absence de masse critique. Des propositions formulées en dehors de tout esprit critique qui ne font objet de réflexion profonde, construite et poussée. Dans cette optique, les alternatives claires restent prisonnières de « réflexions » portées par des gens qui ne font malheureusement pas la distinction entre leurs lieux de fabrication et les formes politiques qui sont en manifestation. La conjoncture ne devrait-elle pas susciter la construction critique et cohérente d’une alternative? Les propositions de sortie de crise ne devraient-elles pas se mesurer à l’aune de la pensée critique ? La critique en lieu et place de l’ordinaire ne devrait-elle pas servir pour déblayer le chantier de la compréhension ? Peut-on s’inscrire dans la démarche critique sans multiplier des lieux critiques ?
Kafounews une fois de plus veut participer à la construction de la critique en créant Kwen pawòl lib. Un espace de réflexion sur le réel haitien avec la pensée critique comme témoin. Loin d’être un lieu de pensée insipide, il fait partie de celui qui libère la pensée constructive pour emprisonner la trivialité et la banalité. Une contribution modeste!
La Rédaction 237
Kafounews
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