Depuis quelque temps, une culture de violence s’impose et asphyxie le pays tout entier. Les manifestations violentes, les guerres des gangs, les assassinats et les enlèvements se multiplient, plongeant davantage le pays dans les profondeurs abyssales d’une violence sans fin. Selon un récent rapport des Nations Unies publié le 16 Avril 2024 (S/2014/62), le premier trimestre de 2024 a été le plus violent enregistré en Haïti depuis le début de 2022. Cette recrudescence de violence n’est pas sans conséquence sur le tissu social et sur la santé mentale de la population haïtienne. Conscient de cela, ACTIF a lancé dans la commune de Carrefour le 22 Avril 2024, « Pran swen tèt ou », un phare d’espoir en ces moments de grande crise qui ravage le pays.

Démocratiser les soins de santé mentale dans le pays

Dans un pays laminé par la violence au quotidien, où l’accès aux soins de santé mentale demeure, pour la majeure partie de la population, un luxe inabordable, et où l’État ne fait pas de cette question une priorité, « Pran swen tèt ou » se veut un projet de démocratisation des soins de santé mentale. Fedeson Carilien, responsable de communication du projet, explique qu'il s'agit d'un programme d’accompagnement et de promotion pour la santé mentale en Haïti basant sur la gestion de stress et sur la sensibilisation autour de la dépression. C’est une démarche qui vise à aider les bénéficiaires-acteurs à développer des capacités d’action face à des situations de violence.

Renforcer la résilience au sein des communautés

En se basant sur une méthode groupale, cette initiative se déploie autour d’une série d’activités variées, allant des groupes de parole aux ateliers artistiques en passant par des campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux et en présentiel. Pour son lancement officiel, les initiateurs ont organisé une conférence sur Google Meet, lors de laquelle la psychologue et professeure d’université Johanne REFUSÉ a eu l'occasion d'intervenir sur ce sujet : "Ki konsekans Kriz n ap viv dènye jou sa yo genyen sou sante mantal nou ? Kisa n dwe fè?"

De manière concrète, « Pran swen tèt ou » vise à renforcer le pouvoir d’agir individuel et collectif en offrant des techniques de gestion de stress et de survie face à la montée de la violence qui tenaille le pays. De plus, c’est une initiative qui vise à rendre aussi les organisations locales plus dynamiques sur des sujets inhérents à la santé mentale afin de réveiller un sentiment de résilience au sein des communautés, précise M. Carilien.

Une assistance aux déplacés forcés

Avec plus d’un million de personnes en situation humanitaire et près d’une centaine de milliers de déplacés forcés, Haïti fait face à une crise de protection qui se détériore continuellement. Nombreux sont ces territoires que l’on compte comme perdus, pour répéter une ministre du gouvernement démissionnaire. Les gens sont obligés de fuir. Ces déplacés, en plus d’être affectés physiquement, sont aussi affectés psychiquement.

Ainsi, poursuit Carilien, ‘’considérant le rapport que ces déplacés forcés entretiennent avec leur milieu et aussi comment le milieu est primordial à leur construction en tant qu’être [social], « Pran Swen Tèt ou » survînt dans ce contexte de violence pour leur apporter un appui psychologique considérable afin qu'ils puissent développer des outils et des techniques pouvant les aider à rebondir en ces moments difficiles’’.

Un travail qui se fait de concert avec les institutions locales

Pour mieux matérialiser ce projet qui s’étend sur trois communes, à savoir Carrefour, Gressier et Léogane, le staff d’ACTIF compte travailler de concert avec des institutions ecclésiastiques, des écoles, des organisations communautaires et des centres d’hébergement où sont localisées les personnes déplacées à cause de la terreur des gangs, détaille monsieur Carilien.

Si aujourd’hui il est vital d’assister les plus démunis, particulièrement les déplacés forcés, en leur fournissant un toit, de la nourriture et de l’eau, il est également essentiel de leur offrir des soins et un soutien émotionnel. Ainsi, ce projet initié par ACTIF démontre que même dans les moments les plus sombres la résilience et la solidarité peuvent éclairer le chemin vers la guérison et l’espoir..

ACTIF?

Créée le 18 Mai 2016 à Carrefour, Haïti, Action Communautaire de Transformation d’Intégration Formelle (ACTIF) est une organisation à but non lucratif, apolitique et non confessionnelle qui entend venir en appui aux citoyens dans leur lutte pour la jouissance effective de leurs droits. C’est une organisation anticonformiste, visionnaire et dynamique. « Pran swen tèt ou » est une des nombreuses initiatives entreprises par l’organisation dans sa mission d’appuyer le renforcement des capacités des Haïtien.ne.s, indépendamment de leur statut socio-économique, politique et religieux. Ce projet qui s’étend sur trois mois est un pas vers la reconstruction d'un pays meurtri.