Ce dimanche, Gabynho donne la parole au géologue Schneider Muder. Il a publié "Géo et les catastrophes naturelles" chez C3 éditions en 2024.
Entretien
Schneider Munder: La gestion des risques et des désastre est une affaire sérieuse
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Gabynho: Schneider Munder, Parlez-nous un peu de vous. Comment avez-vous rencontré l'écriture?
Schneider Munder: Je suis Schneider MUNDER, carrefourois né dans une famille de neuf enfants dont je suis le huitième.
J'ai fait mes études classiques au Centre d'études Lumière. J'ai effectué mes études post-secondaire à la Faculté des Sciences (FDS) de l'Université d'État d'Haïti (UEH) et à l'École Nationale de Géologie Appliquée (ENGA). Je suis l'un des coordonnateurs adjoints à la sensibilisation de l'astronomie en Haïti après avoir été le Lauréat Haïtien du concours TELESCOPES FOR ALL organisé par l'Union Astronomique Internationale (UAI). Je suis Professeur de Géologie au Lycée Louis Joseph Janvier et Observateur de données météorologiques appliquées à la Navigation Aérienne au sein de l'Office National de l'aviation Civile (OFNAC).
J'ai commencé l'écriture lorsque j'étais en troisième année de géologie, c'est au cours de cette période que j'ai écrit mon premier article publié dans les colonnes de Le Nouvelliste et de Le National. L'article avait pour titre : FAUDRA-T-IL DIRE ADIEU À LA LUNE DANS QUELQUES MILLIONS D'ANNÉES ? Ensuite j'ai continué à écrire d'autres articles jusqu'à ce que j'ai parvenu à publier mon premier livre.
En effet, GÉO ET LES CATASTROPHES NATURELLES est mon premier ouvrage destiné à sensibiliser les enfants et aussi tous les curieux sur la gestion des risques et de désastres.
G: Qu'est-ce qui vous a incité à ciber les enfants en écrivant ce livre?
SM: À travers le livre GÉO ET LES CATASTROPHES NATURELLES, l'idée est de construire le plus rapide que possible des générations conscientes des phénomènes naturels et de recanaliser la compréhension des plus vieux. Le même exercice serait plus corsé si on commencerait par les plus vieux qui majoritairement ont des compréhensions toutes faites des phénomènes naturels. L'idée est de former des jeunes aptes et responsables à monitorer les générations à venir.
Dans un style simple et ludique, les enfants et les plus âgés apprendront des notions scientifiques du domaine de la géologie. La gestion des risques et de désastres n'est pas l'affaire d'une personne, elle concerne toute une population, mieux vaut commencer par ceux qui pourront faire la relève, les plus jeunes. Plus tôt l'enfant est informé, plus il intègrerait facilement les comportements appropriés lors de la survenue des catastrophes naturelles. Il deviendrait alors un agent de sensibilisation auprès de ses parents, de la communauté et de la société en général.
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G: 15 ans après le seisme du 12 janvier 2010, sommes-nous prêts à faire face à un pareil catastrophe?
SM: Haïti est un pays à haut risque sismique. Le pays est situé sur la plaque caribéenne qui est en différents mouvements par rapport à d'autres plaques tectoniques environnantes. De plus il est traversé par deux (2) grandes failles majeures et de nombreuses failles mineures. L'hypothèse d'une 3e faille majeure est maintenant d'actualité.
N'existant pas encore des moyens de faire des prévisions à court terme (prédiction) des séismes, la meilleure alternative qui s'offre à nous est un plan de prévention. Les mesures de prévention (avant, pendant et après) vis-à-vis des séismes sont nécessaires pour atténuer les impacts des tremblements de terre sur la vie humaine et les biens matériels. Ces mesures contribuent aussi à la résilience d'une population.
Parmi ces mesures preventives, surtout parmi celles qu'il faut appliquer avant les seismes, on peut citer les plus connues, comme la formation, l'information et la sensibilisation. Il ne faut pas oublier aussi la prévention classique connue de tous qui est la construction parasismique.
En 21e siècle, après avoir été frappé par deux grands seismes récents (12 janvier 2010 _ 14 août 2021), malheureusement pour nous la perception des Haïtiens Vis-à-vis des séismes reste et demeure magico-religieuse. En effet, beaucoup d'Haïtiens nourrissent toujours l'idée que les seismes sont les conséquences de leurs péchés et c'est donc une châtiment de Dieu.
15 ans après, les Haïtiens sont devenus plus pauvres avec un faible pouvoir d'achat. Par conséquent il est presque impossible qu'ils achètent des matériaux en conformité à la construction parasismique.
15 après, nous sommes au courant que des radios donnent la parole à des Gens qui viennent prédire des séismes à partir des révélations qu'ils ont eu.
15 ans après, nous constatons toujours les constructions anarchiques dans les milieux urbains et dans les mornes.
15 ans après, nous pratiquons toujours le phénomène FÈ TÈ où nous repoussons les limites de balancements des vagues sur les régions côtières afin de construire.
15 ans après, nous avons raté la possibilité de bien reconstruire et d'aménager convenablement les territoires.
15 ans après, on ne sait pas s'il existe des plans sanitaires, de secourisme et d'évacuation au cas où un séisme majeur frapperait encore.
15 ans après, les jeunes qui ont maintenant maintenant 20 ou plus ont grandi sans formation et réflexes comportementaux qui sont liés aux séismes.
On pourrait citer encore et encore.
Mais aussi il ne faut pas ignorer ou minimiser le efforts qui ont été consentis.
On peut citer par exemple:
- Des coopérations et des organisations qui ont construit des écoles et des petites maisons parasismiques pour des habitants .
- Quelques formations et séminaires sur la gestion des risques et de désastres par les autorités compétentes
- Des ouvrages ont été publiés sur la problématique des séismes et de leur prévention.
Mais après 15 ans, on se demande si on ne va pas enregistrer plus de pertes en vies humaines et de dégâts matériels au cas où un séisme majeur surviendrait.
Est ce que sans mentir nous pouvons nous dire que nous sommes prêts à affronter un autre grand séisme? Est ce que les petites avancées effectuées pendant ces 15 années nous permettent d'avoir une posture résiliente ?
Mais on peut dire qu'avec cette posture vulnérable et constante que nous avons, nous pouvons dire qu'en cas d'eventuel passage d'un séisme majeur, nous pourrions sans doute enregistrer plus de pertes et de dégâts que le séisme du 12 janvier 2010.
G: Que faire pour redresser la barque?
SM: En pleine mer, lorsqu'on est dans une situation de mauvais temps, tous les marins travaillent d'un commun accord afin d'éviter la dérive de la barque. Face à la gestion des risques sismiques, Haïti est dans une situation chaotique. Afin d'éviter de toucher le fond et d'y rester, tous les Haïtiens doivent être impliqués dans la gestion des risques sismiques. Les citoyens, les communautés, les organisations, les églises, les écoles et l'État à travers chaque entité et ministère.
Le pays doit avoir une politique de gestion des risques et de désastres, intégrant un plan de prévention non pas seulement pour les risques sismiques mais aussi pour les différents autres aléas naturels.
Ces actions nous mèneront vers la voie de réduction de la vulnérabilité des enjeux. Et cela renforcera notre posture par rapport aux risques naturels, spécifiquement les risques sismiques.
G: Vous avez d'autres livres en chantier?
SM: Cette année le projet GÉO mettra en exergue un nouveau livre titré : GÉO AU COEUR DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE.
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Blondy Wolf Leblanc (Gabynho) 110
Mémorand en psychologie à la Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti (FASCH-UEH), Gabynho est un acteur culturel très influent à Carrefour où il initie et coordonne "Festival Liv Kafou", "Semèn Jèn Ekriven Kafou" et "Week-end Poétique".
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