À mesure que le pays se colore en rose et blanc, les valeurs morales s’effritent au point que, sans crier gare, la violence aveugle pénètre et s’incruste, durablement, dans les interstices de nos vies.
Depuis la fin des années 90, Haïti est en chute libre. A chaque étape, les plus optimistes affirment qu’elle a touché le fond. La remontée devant s’enclencher quasi automatiquement. Mais, plus les années passent plus la descente vertigineuse se poursuit. Le précipice de l’indignité et de la bêtise paraît sans fond. De toute façon, les préoccupations des haïtiens se situent ailleurs. L’alternance politique n’a jamais pu constituer véritablement une opportunité de se tirer d’affaires. Au contraire, elle participe, de tous temps, aux possibilités infinies de faire de bonnes affaires pour certains. En effet, chaque nouveau régime amène ses requins, les uns plus féroces que les autres. Le résultat demeure le même: ils dévorent à belles dents tout ce qui tombe dans leurs filets: budget pour les catastrophes naturelles, projets sociaux, routes, mêmes les bancs pour les écoles... tout y passe.
Les élections de 2010 étaient placées sous le signe du renouveau. Il fallait injecter du sang neuf dans le paysage politique haïtien, moribond et exsangue. L’avènement d’un groupe d’hommes, dilettantes en politique, laissait augurer, chez les plus candides, de belles promesses de changement. Les plus expérimentés, sceptiques, s’enfermaient dans un mutisme éloquent. Les intellos avaient échoué piteusement. La rue pouvait valablement prendre le relais. Et, le changement s’est amené.
La désacralisation de la présidence a propulsé Haïti dans une ère nouvelle, celle de l’improvisation et de l’amateurisme obtus. En effet, le pouvoir Tèt Kale, pendant du trumpisme américain, fait de l’ignorance outrecuidante son mode d’expression par excellence. Les discours creux et le mensonge ont vite fait d’occuper tout l’espace public. La presse, jadis quatrième pouvoir, est devenue aphone ou plutôt se révèle incapable de parler la bouche pleine, bienséance oblige.
À mesure que le pays se colore en rose et blanc, les valeurs morales s’effritent au point que, sans crier gare, la violence aveugle pénètre et s’incruste, durablement, dans les interstices de nos vies.
Il semble que même en temps de guerre, les églises sont épargnées. Hier soir, cette coutume immémoriale a été foulée au pieds par des jeunes gens opérant, commettant leur forfait au vu et au su de tous sans s’inquiéter de quoi que ce soit. La prochaine étape? Ah! Les joutes électorales à venir. Ceux qui clament que les voies du Seigneur sont impénétrables, doivent se dire, dorénavant, en Haïti, ses églises sont prenables.
La prière constitue une arme redoutable. La mobilisation l’est tout autant. C’est le seul petit grain de sel qui peut revigorer cette société haïtienne léthargique et zombifiée. Sinon, nous mourrons tous comme pleutres et des lâches.
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