Chronique de la bonne gouvernance # 7: Quid des services publics municipaux

Chronique de la bonne gouvernance # 7: Quid des services publics municipaux

Dans ce nouveau numéro de la chronique de la bonne gouvernance, et dans les numéros suivants, nous aborderons les responsabilités de l’administration municipale sous la notion de services publics.

Les citoyens entretiennent des rapports réglementés avec les agents municipaux. Cette réglementation est basée sur la constitution, les lois de la république ainsi que les instruments légaux signés, ratifiés et adoptés par l’Etat haïtien. Il en résulte des influences réciproques entre l’administration municipale et les citoyens. Cette interaction légale-constitutionnelle implique l’accomplissement de certains devoirs à la fois de la part des agents municipaux et des citoyens. Ces rapports réglementés impliquent également la garantie et la jouissance de certains droits aux uns et aux autres. Dans ce nouveau numéro de la chronique de la bonne gouvernance, et dans les numéros suivants, nous aborderons les responsabilités de l’administration municipale sous la notion de services publics.

La notion de service public renvoie à « une activité d’intérêt général, soit directement prise en charge par une personne publique, soit exercée sous son contrôle .» Selon le programme-cadre de la réforme de l’Etat, l’administration publique et le service public qui en découle sont soumis aux principes d’unicité de l’Etat, du bilinguisme, de mutabilité, de continuité, d’égalité, de neutralité, de proximité et subsidiarité . Si tels sont les principes régissant l’administration et les service publics, certains hauts fonctionnaires de l’Etat aussi bien que certains acteurs municipaux semblent les ignorer. Le dernier exemple en date remonte à une affirmation de Jovenel Moïse, à l’occasion de l’inauguration du barrage de Marion, le 01 mai 2021, affirmant que « si mwen ale kounyea kisa n ap fè ak travay mwen kòmanse yo ». Par cette déclaration, Monsieur Moïse se montre ignorant du principe de continuité du service public.

Selon Divay (2019) le quotidien du citoyen est influencé par l’action municipale tant en milieu rural qu’en milieu urbain. Compte tenu de cette influence, le citoyen a l’obligation de connaître ce qui relève du service public municipal de ce qui ne l’est pas pour avoir une vue d’ensemble de ce que fait sa municipalité. Selon Dumornay , l’administration municipale, tout comme l’administration de l’Etat, a des objectifs et une finalité qu’elle découpe en missions. Le développement social est la mission sociale du pouvoir municipal et pour bien remplir cette mission elle doit agir dans un certain nombre de domaines que nous considérons ici comme des services publics.

Entre autres services publics découlant de l’administration municipale, nous pouvons citer la toponymie, l’urbanisme et l’aménagement du territoire, les travaux publics, la voierie, la sécurité (police et service d’incendie), le transport en commun, l’alimentation en eau potable, le zonage urbain, la circulation automobile (signalisation, parking, trottoir, et contravention), le service d’hygiène et de sanitation, l’instruction publique, la formation civique et professionnelle, le service d’habitation. Cette liste non exhaustive représente un sommaire de ce à quoi le citoyen peut s’attendre en termes de services publics municipaux.

La toponymie constitue donc l’un des domaines d’intervention de l’administration municipale. Elle comporte plusieurs catégories dont l'oronymie, ou étude des noms de montagnes, l'hydronymie, ou étude des noms de cours d'eau, l'odonymie, ou étude des noms de rues . S’agissant des noms de rues, l’observateur qui parcourt les rues d’Haïti, et particulièrement les rues de Carrefour, constatera que bon nombre de rues de cette commune ne sont pas nommées. Pire, il n’y a même pas un processus en cours en vue de combler de tels déficits administratifs pour une ville pourtant bicentenaire. Le déficit de travaux toponymiques n’est pas un fait nouveau dans l’administration municipale. Elie (2006) soulignait déjà l’inexistence d’une toponymie fixée ou consignée par des instances officielles. Il soulignait également le rôle que peuvent jouer les mairies à faire respecter la toponymie dans les localités relevant de leur territoire.

La toponymie, comme service public, révèle déjà de grandes lacunes au niveau de l’administration communale de Carrefour. Combien de fois les citoyens sont confrontés à de sérieux problèmes pour donner leur adresse à un visiteur. Pendant qu’à l’étranger les individus utilisent le GPS pour se déplacer, en Haïti, et à Carrefour spécialement, les citoyens se servent des tas d’immondices comme un indicateur pertinent pour communiquer leur adresse à un tiers. A bien considérer, nous pouvons conclure que les services publics sont loin d’être efficaces dans la municipalité de Carrefour.




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1. Rapport public 1999, EDCE no 50 cité par Jean-Sébastien Pilczer dans Informations sociales 2010/2 (no 158), p. 6-9
2. Programme-cadre de réforme de l’Etat. Réforme administrative et décentralisation, octobre 2012 – septembre 2017, p.12
3. Divay, G. (2019). Le management municipal: les défis de l'intégration locale, tome 2, PUQ, 312 pages.
4. Dumornay, J. (1993). Décentralisation territoriale et gestion municipale: un guide pour les décideurs et les citoyens, Bibliothèque nationale d'Haïti, 105 pages
5. Marianne MULON, « TOPONYMIE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 4 mai 2021. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/toponymie
6. ELIE, Jean Rénol. (2006). Participation, décentralisation, collectivités territoriales en Haïti: la problématique. Port-au-Prince, PAPDA, p. 225 – 245

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Citoyen Ken 25

Sociologue, Maître en études humanitaires

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