Le miracle dont nous ne voulons pas

Le miracle dont nous ne voulons pas

Dans un tel contexte, plus d'un sont inquiets et se demandent si les haïtiens pourront, une fois de plus et depuis 1806, accomplir le miracle de se conformer à la rareté des produits pétroliers et aux prix exhorbitants que cela induit après qu'ils se soient conformés à la mauvaise gouvernance, à la corruption, à l'ingérence de l'international communautaire, aux élections frauduleuses...

La société ayitienne fait face à une pénurie de produits pétroliers depuis des mois. Il ne s'agit pas d'un phénomène nouveau en Ayiti. En effet, si l'on considère les trente dernières années de notre histoire, nous dirons que la rareté des produits pétroliers est une conséquence de l'embargo économique imposé par l’international communautaire après le coup d'état militaire du 30 septembre 1991.  Depuis, nous nous sommes habitués à des épisodes de rareté de produits pétroliers pendant les fins d'année. Cependant, depuis l'avènement du pouvoir Tèt Kale en 2011 et le mouvement de peyi lòk, cette rareté occasionnelle tend à gagner en constance. Le résultat est implacable: les produits de l'or noir sont extrêmement rares et couteux  sur le marché local. À qui cela profite-t-il? Nous ne nous sommes pas posé cette question. Entre temps, la société doit continuer à fonctionner, avec ou sans carburant.

Dans un tel contexte, plus d'un sont inquiets et se demandent si les haïtiens pourront, une fois de plus et depuis 1806, accomplir le miracle de se conformer à la rareté des produits pétroliers et aux prix exhorbitants que cela induit après qu'ils se soient conformés à la mauvaise gouvernance, à la corruption, à l'ingérence de l'international communautaire, aux élections frauduleuses, au black out, à l'éducation au rabais, au manque d'eau potable, à l'inaccessibilité des services sanitaires, aux infrastructures routières délabrées, à l'alimentation importée, au chômage, à l’aliénation des moyens de production, à l’insécurité généralisée et au kidnapping contre rançon considéré comme le dernier né du système Peze Souse.

Bien que ne disposant pas de toutes les caratéristiques d'une économie capitaliste, l'économie ayitienne, qualifiée d'économie hybride, ne peut pour autant se passer des produits pétroliers qui lui sont vitaux. Ceux-là incluent les carburants de transport tels le gazoline, le diesel, les carburants aviation, le mazout lourd, l'huile de chauffage, le propane, le kérosène, les huiles de graissage, les graisses lubrifiantes, l’asphalte, etc. De cette liste de produits pétroliers, le kérosène, le propane, le diesel et le gazoline sont quotidiennement utilisés et sont entrés dans les habitudes de consommation des ménages ayitiens. Vous n'avez donc qu'à imaginer les conséquences psychologiques, sociales et économiques de la rareté des carburants sur les chefs de ménage qui doivent quotidiennement se battre pour trouver ces produits.

Ce qui fait craindre le pire, c'est qu'en Ayiti nous aimons les miracles. Nous faisons preuve de certaines dispositions, sans doute acquises à travers nos systèmes éducatif et mystique, à nous accommoder, à nous adapter, à nous conformer aux problèmes non résolus par ceux se considèrent comme nos gouvernants, nos dirigeants. Mais de grâce, n'accomplissons pas le miracle de nous conformer à la rareté actuelle du carburant. Si nous nous y conformons, nous n'aurons plus la possibilité de résoudre ce problème et nous nous ferons en même temps complices de l'État ayitien dans son incapacité à résoudre les problèmes de notre chère Ayiti. Et, si malgré cet appel vous vous obstinez à vous conformer en achetant des sen galon jòn pour aller faire la queue dans les stations d'essence, sachez alors que nous aurons atteint le point de non retour car aucun de nous ne pourra continuer à vivre dans de telles conditions.

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Citoyen Ken 25

Sociologue, Maître en études humanitaires

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1 Commentaires

  • Durant

    November 05, 2021 - 04:43:32 PM

    Il est l’heure de régénérer un nouveau 1804 en Haïti.