Les Républiques d’Ayiti

Les Républiques d’Ayiti

Pour nous en tenir à la réalité, nous devons affirmer que la région métropolitaine d’Ayiti est limitée au Sud par les groupes armés de Village de Dieu, de Ti Bwa et Grand ravine, à l’Est par le groupe des 400 Mawozo, au Nord par le G9 en fanmi e alye et au Nord par… nous ne savons quel groupe.

La version amendée de la constitution haitienne de 1987 stipule qu’ “Haïti est une république, indivisible, souveraine, indépendante, libre, démocratique et solidaire” (1) . Par ce principe, le législateur conçoit l’Etat ayitien comme un Etat unitaire qui assure la protection territoriale et politique de la nation en garantissant le droit à la libre circulation des personnes et des biens. Le principe de l’indivisibilité de la république d’Ayiti pose le problème de l’intégrité territoriale et est intimement lié à la notion de souveraineté nationale.

Selon Fabre, l’intégrité du territoire signifie l’indivisibilité territoriale de la souveraineté (2). Ainsi, toute tentative ou tout contrôle effectif d’une partie ou de l’ensemble du territoire par des citoyens ou des groupes, internes ou externes, exerçant leur souveraineté propre au détriment de la souveraineté nationale résidant dans l’universalité des citoyens constitue une violation du principe d’indivisibilité territoriale, donc de la souveraineté nationale.

La souveraineté, nous dit Carré de Malberg , est cette caractéristique de l’Etat moderne dans lequel aucun organe n’exerce une puissance originaire ou ne détient un droit qui ne soit dérivé de la constitution. L’Etat moderne souverain se distingue donc de l’Etat monarchique construit suivant le principe monarchique, et de l’Etat populaire, fondé sur le principe de la souveraineté populaire, dans lesquels un organe non dérivé de la constitution domine l’ordre juridique institué (3). En fin de compte, l’Etat souverain moderne est celui qui exerçe la souveraineté territoriale et politique de façon non fragmentée mais absolue. Cela revient à dire qu’aucune partie du territoire national ne peut être soumis au contrôle de groupes, internes ou externes, qui ne relèvent pas de la volonté et de l’autorité de l’Etat. Ce principe implique que le droit à la libre circulation des individus et des biens est garanti sur tout le territoire national sous peine de sanctions pour ceux qui violent ce droit.

Or, il se trouve que les principes d’indivisibilité et de souveraineté de l’Etat ayitien sont remis en cause depuis fort longtemps par des groupes externes et, depuis peu, par des groupes armés contrôlant certaines parties du territoire national. En effet, les groupes armés redéfinissent le territoire national, s’y affrontent et oppriment les citoyens se trouvant dans leurs juridictions. La délimitation territoriale constitutionnelle ne tient plus. Pour nous en tenir à la réalité, nous devons affirmer que la région métropolitaine d’Ayiti est limitée au Sud par les groupes armés de Village de Dieu, de Ti Bwa et Grand ravine, à l’Est par le groupe des 400 Mawozo, au Nord par le G9 en fanmi e alye et au Nord par… nous ne savons quel groupe. Aussi, nous retrouvons-nous dans une sorte de plusieurs républiques dans la république.
Les chefs de ces républiques dans la république ne cessent de terroriser les citoyens. Les populations de la troisième circonscription de Port-au-Prince, de la commune de Carrefour et du grand Sud sont celles qui payent le plus lourd tribut car les affrontements entre groupes armés contrôlant la rentrée sud de Port-au-Prince sont constants, féroces et meurtriers. La traversée de Martissant ressemble fort bien à la vallée de l’ombre de la mort avec des maisons vides, une route trouée, des égouts ouverts, des flaques d'eau, des tas de déchets, des cadavres jetés en pâture aux chiens et aux porcs, des voitures et motocyclettes abandonnées, des tirs d'armes automatiques...et la peur au ventre. Sur les voies de ces républiques dans la république, la vie et la mort font match nul. C'est 50% lanmò, 50% lavi.





Références:
1. Article 1 de la constitution haitienne amendée de 1987
2. M-H, Fabre. (1982). L’unité et l’indivisibilité de la République, réalité ? Fiction ?, RDP, 1982, p. 6 cité par Chicot, P-Y. (2000). Le principe d’indivisibilité de la République et la question des minorités en Guyane française, à la lumière du cas amérindien, p.175-197. https://doi.org/10.4000/plc.373
3. Malberg, Carré de cité par Maulin Eric dans la théorie de l’Etat de Carré de Malberg. (2003). PUF, p. 89-138

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Citoyen Ken 25

Sociologue, Maître en études humanitaires

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